En juin dernier, l’association américaine de cancérologie ASCO en parlait comme de "la découverte de l’année". Depuis arrivée en France, l’immunothérapie à base de lymphocytes T du récepteur antigénique chimérique (CAR-T cells, d’après son acronyme anglais) s’est avérée très efficace pour lutter contre les formes les plus sévères et agressives de cancers, comme la leucémie ou le lymphome.
Toutefois, malgré ces succès thérapeutiques indéniables, ce traitement comporte le risque d’effets secondaires graves liés à la neurotoxicité des cellules génétiquement modifiées. C’est ce que met en lumière une nouvelle étude menée par le Brigham and Women’s Hospital de Boston, aux États-Unis et publiée dans la revue Brain.
Qu’est-ce que l’immunothérapie à base de CAR-T cells ?
Il s’agit d’une thérapie qui utilise les cellules immunitaires du patient (lymphocytes T) pour reconnaître et attaquer les cellules cancéreuses. La thérapie CAR-T consiste à prélever des lymphocytes T dans le sang du patient et à les envoyer à un laboratoire. Par des technologies d’ingénierie cellulaire, les chercheurs modifient in vitro le matériel génétique des lymphocytes T afin de les doter d’un récepteur spécifique qui fait office de radar pour reconnaître et attaquer les cellules exprimant l’antigène cible. Le nombre de lymphocytes T ainsi "reprogrammés" est multiplié en laboratoire, puis les cellules modifiées sont réinjectées au patient.
Problème : ces cellules "reprogrammées" entraînent des effets secondaires graves chez les patients, parmi lesquels des maux de tête, de la confusion et des bouffées délirantes. Jusqu’ici, ces effets secondaires étaient mal compris et caractérisés.
L’équipe du Brigham and Women's Hospital a donc décidé de cataloguer les symptômes neurologiques rencontrés par les patients ayant reçu le traitement à base de CAR-T cells.
7 patients sur 10 touchés par les effets secondaires
Pour définir les symptômes cliniques de la neurotoxicité associée aux CAR-T cells, l'équipe a mené une étude d'observation auprès de 100 patients atteints de lymphome entre 2015 et 2018. Elle a ensuite évalué les symptômes depuis le début de la perfusion des lymphocytes T jusqu'à deux mois après la perfusion.
Leurs résultats ont révélé la prévalence généralisée des symptômes neurologiques après le début du traitement par CAR-T : 77% des patients avaient éprouvé au moins un des symptômes. Le plus fréquent est l'encéphalopathie, un type de maladie du cerveau qui cause de la confusion, mais d'autres symptômes tels que des maux de tête, des tremblements, une faiblesse et une dysfonction du langage ont également été observés.
Les chercheurs ont cependant noté que la plupart de ces symptômes étaient réversibles et ont donc fini par disparaître dans la majorité des cas.
De plus, les chercheurs ont observé un modèle unique d'activité, ou d'inactivité, dans leur étude. Les déficits neurologiques associés au traitement provenaient souvent de régions qui semblaient silencieuses sur le plan métabolique. Cette constatation a d'importantes répercussions sur l'évaluation clinique de la neurotoxicité et l'utilisation de l'imagerie.
"Malgré l'apparition fréquente de symptômes neurologiques, les études d'imagerie telles que l'IRM, qui constituent la pierre angulaire du diagnostic neurologique, étaient presque toujours normales", constate Daniel Rubin, chercheur au Département de neurologie du Brigham et auteur principal de l’étude. "En revanche, les études diagnostiques qui évaluent plus directement le fonctionnement neuronal, comme l'EEG et la TEP, pourraient détecter et prédire de façon fiable le dysfonctionnement neurologique."