Offrir chaque matin un petit-déjeuner aux élèves vivant dans des quartiers défavorisés. Présenté fin avril par le ministre de l’Éducation, Jean-Michel Blanquer, et la secrétaire d’État auprès de la ministre de la Santé, Christelle Dubos, ce dispositif avait a priori tout bon : "Permettre aux enfants de ne pas commencer la journée le ventre vide, de rester concentrés pendant toute la matinée dans les meilleures conditions", dixit le communiqué des deux ministères.
Selon un rapport de la Commission des Affaires sociales de l’Assemblée remis en mars dernier au ministère de la Santé, trois élèves par classe commencent en effet leur journée d’école sans avoir mangé.
Déployée dans huit académies test et généralisée dès le mois de septembre sur l’ensemble du territoire français, cette mesure devrait, à terme, concerner 100 000 écoliers scolarisés dans les "territoires prioritaires".
"C’est une catastrophe"
Mais pour de nombreux spécialistes, ce dispositif visant à offrir un petit-déjeuner équilibré afin de gommer les inégalités sociales entre les élèves fait fausse route et risque, au contraire, de favoriser le surpoids et l'obésité. Réunis samedi dernier à l’occasion de la Journée mondiale de l’obésité, ils n’ont pas caché leur inquiétude. "Réintroduire le petit-déjeuner, c’est une catastrophe", estime ainsi le professeur Marc Nicolino, chef du service d’endocrinologie et de diabétologie pédiatriques à l’hôpital Femme-Mère-Enfant de Lyon, qui déplore que cette décision politique ait été prise "sans concertation avec les spécialistes".
Interrogé par 20 Minutes, il poursuit : "La grande majorité des enfants aura déjà mangé le matin et on va leur ajouter un repas supplémentaire. C’est contraire à tous les messages de prévention de l’obésité que nous essayons de faire passer".
Un avis partagé par Martine Laville, endocrinologue et responsable du Centre intégré de l’obésité (CIO) aux HCL, qui juge cette réponse unique des politiques inadaptée aux besoins des enfants. "Ils n’ont pas vu l’impact métabolique de cette mesure."
Également interrogée par 20 Minutes, Camille Saison-Canaple, médecin coordinateur au sein du Réseau de Prévention et de Prise en charge de l'Obésité en Pédiatrie du Rhône (Réppop), rappelle qu'"en moyenne, dans une classe de 30 élèves, il y aura 5 élèves en surpoids dont 1 en situation d’obésité". Il est toutefois possible de changer la donne, notamment en adoptant une approche pluridisciplinaire dans laquelle sera intégrée la famille de l’enfant. "Pour l’enfant, l’objectif prioritaire n’est pas de perdre du poids. Contrairement à l’adulte, on peut le faire mincir en stabilisant son poids ou avec quelques kilos en plus car il va continuer à grandir. Cela passera par l’alimentation de la famille bien sûr, mais aussi par des conseils et objectifs pour favoriser le retour de la famille à une vie saine", détaille le professeur Nicolino.
Selon les données de Santé publique France, en 2015, 17% des 6-17 ans étaient en surpoids. Parmi eux, 4% étaient en situation d’obésité.