Pourquoi a-t-on peur et comment cela se manifeste-t-il dans notre cerveau ? Une nouvelle étude parue le 16 mai dans la revue Neuron nous apprend un peu plus sur le fonctionnement de cette émotion encore trop méconnue de la science. D’après l’équipe internationale, les traces laissées dans le cerveau par la peur se formeraient dans l’hypothalamus. A terme, cette découverte pourrait ouvrir la voie à de nouveaux traitements pour soigner les personnes atteintes de stress post-traumatiques ou de phobies pathologiques.
Par le biais d’une méthode de ciblage génétique permettant de toucher en particulier les neurones activés lors d’une réaction de peur, les scientifiques ont découvert "la formation d'engrammes (ensemble de cellules formant la base de la trace mémorielle enregistrée dans le cerveau, NDLR) hypothalamiques dont la manipulation altère drastiquement l'expression et le souvenir d'une peur", explique l’Université de Strasbourg dans un communiqué.
Ils ont par ailleurs réussi à effacer ou à faire durer l’expression de la peur en activant des neurones produisant l’ocytocine, plus connue sous le nom d’hormone de l’amour, qui joue un grand rôle dans la régulation des émotions.
"L’émergence de nouvelles stratégies thérapeutiques"
"Les engrammes sont bien connus mais uniquement dans les structures corticales supérieures. Là, l'originalité c'est de montrer que cela peut aussi exister dans des structures évolutivement anciennes, comme l'hypothalamus (...). On montre une communication entre l'hypothalamus, les neurones qui produisent de l'ocytocine et l'amygdale (une partie du cerveau qui gère les émotions comme la peur et le stress, NDLR)", a expliqué Alexandre Charlet, le Français qui a dirigé l’étude, à la presse. "(Ces recherches) nous permettent de mettre le doigt sur des circuits spécifiques et maintenant qu'ils sont identifiés, on peut très bien chercher des agents pharmacologiques qui vont pouvoir les inhiber ou les activer de manière précise", conclut-il.
Ainsi, à terme, ces résultats pourraient "permettre l'émergence de nouvelles stratégies thérapeutiques, notamment quand la peur devient pathologique, comme dans le cas des troubles de stress post-traumatiques", se réjouit l’Université de Strasbourg dans son communiqué.
A l’heure actuelle, la peur est une émotion qui fascine les scientifiques et fait l’objet de nombreuses études. Récemment, des chercheurs finlandais ont découvert un nouveau type de mutation génique réduisant la peur et l’anxiété et augmentant les interactions sociales. En travaillant sur des souris et en mettant au point une technologie capable de retirer le gène P4h-tm du génome des animaux, ils ont pu observer chez ces dernières un changement comportemental majeur en cas de situation hautement anxiogène.
Un Français sur dix atteint du trouble de stress post-traumatique
Quelques mois plus tôt, des chercheurs américains avaient quant à eux découvert que le noyau réuniens, située dans une petite région du cerveau appelée thalamus, contrôlait la réaction à la peur chez les rats étudiés. Jusqu’ici, les scientifiques pensaient que le noyau réuniens agissait surtout comme une voie par laquelle l’information sensorielle circule de la périphérie du cerveau au cortex, la partie responsable de la réalisation d’une pensée complexe.
"C’est intéressant parce que nous savons que le cortex préfrontal joue un rôle de régulation des émotions, ce qui a suscité beaucoup d’intérêt (…) Ainsi, cette recherche fondamentale, qui identifie cette projection particulière du cortex pré-frontal au noyau réuniens du thalamus, nous oriente vers des parties du cerveau qui sont importantes pour la fonction inhibitrice de la peur, qui pourraient constituer un moyen de mettre au point de nouveaux médicaments, thérapies et médicaments", expliquaient les chercheurs.
En France, le trouble de stress post-traumatique (TSPT) touche une personne sur dix. Il désigne un ensemble de réactions survenant chez des personnes ayant vécu un événement traumatisant. Ayant vu leur intégrité physique ou psychologique menacée ou atteintes, les victimes d’attentats, de torture, de viol, d’accident grave, d’agression ou encore les anciens combattants sont particulièrement touchés par cet état. Ils peuvent alors souffrir de troubles de sommeil (insomnies, cauchemars), de dépression, d’irritabilité, de peur intense ou encore de colère. Il arrive aussi que ces personnes se montrent particulièrement violentes ou colériques. Enfin, elles ont également plus tendance que les autres à sombrer dans l’addiction.