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Découverte

Antibiorésistance : un extrait de canneberge rend les bactéries plus sensibles aux antibiotiques

Par Charlotte Arce

Une nouvelle étude menée par des chercheurs canadiens révèle que des molécules dérivées de la canneberge rendraient les bactéries plus vulnérables aux antibiotiques.

barmalini/iStock

Réputée pour sa haute teneur en vitamine C et en antioxydants, la canneberge est régulièrement consommée pour lutter contre les bactéries et germes responsables des infections urinaires. Mais cette petite baie au goût acidulé n’avait jusqu’ici pas révélé toutes ses propriétés.

De nouveaux travaux, menés à l’Université McGill et à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) de Montréal et publiés dans la revue Advanced Science viennent de démontrer qu’elle pourrait jouer un rôle déterminant dans la lutte contre les bactéries qui résistent aux traitements antibiotiques les plus puissants.

Un processus en deux actions

L’antibiorésistance constitue, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), "un problème mondial de santé publique". En cause : la surutilisation des antiobiotiques dans la médecine et l’agriculture, qui entraîne une propagation mondiale de la résistance des bactéries. En 2014, un rapport sur la résistance aux antibiotiques a ainsi prédit que d’ici 2050, les infections résistantes aux antimicrobiens pourraient devenir la principale cause de décès dans le monde en occasionnant 10 millions de mort par an.

Partant de cet alarmant constat, les auteurs de l’étude ont décidé de tester la résistance de ces bactéries en les traitant avec des molécules dérivées de la canneberge, une baie connue pour inhiber le développement des germes pathogènes. Trois bactéries ont été sélectionnées : Proteus mirabilis, Pseudomonas aeruginosa et Escherichia coli, responsables d'infections des voies urinaires, de pneumonies et de gastro-entérites.

Les résultats ont montré que l'extrait de canneberge augmente la sensibilité bactérienne aux antibiotiques, même à faible dose. Deux actions ont été observées. D’abord, les molécules dérivées de canneberge rendent la paroi cellulaire bactérienne plus perméable à l'antibiotique. Deuxièmement, l'extrait de canneberge a perturbé le mécanisme généralement utilisé par les bactéries pour éliminer l'antibiotique. Par conséquent, l'antibiotique pénètre plus facilement et les bactéries ont plus de difficulté à s'en débarrasser, ce qui explique pourquoi le médicament est efficace à faible dose.

"Normalement, lorsque nous traitons une bactérie avec un antibiotique en laboratoire, elle finit par acquérir une résistance avec le temps", explique Nathalie Tufenkji, professeure de génie chimique à McGill et auteure principale de l'étude. "Mais lorsque nous avons traité simultanément la bactérie avec un antibiotique et l'extrait de canneberge, aucune résistance ne s'est développée. Nous en avons été très surpris et nous y voyons une opportunité importante."

Un espoir dans la lutte contre l’antibiorésistance

L'activité de l’extrait de canneberge sur les bactéries est générée par des molécules appelées proanthocyanidines. "Il existe plusieurs types de proanthocyanidines, et ils peuvent travailler ensemble pour atteindre ce résultat. Nous devrons faire plus de recherches pour déterminer lesquels sont les plus actifs en synergie avec l'antibiotique", précise Éric Déziel, professeur de microbiologie à l'INRS et coauteur des travaux.

Désormais, donc, les chercheurs vont mener de nouvelles expériences chez l’animal pour identifier clairement les molécules actives. Si les résultats sont confirmés, certaines classes d'antibiotiques sujettes à de hauts niveaux de résistance pourraient être rendues utiles à nouveau en utilisant l'extrait de canneberge pour augmenter leur potentiel. "Nous sommes impatients de poursuivre ces recherches", affirme Nathalie Tufenkji. "Notre espoir est de réduire les doses d'antibiotiques nécessaires en médecine humaine et vétérinaire dans le cadre de la lutte contre la résistance aux antibiotiques."