Pour lutter contre les troubles d’origine neurodéveloppementale chez les grands prématurés, liés notamment à l'apprentissage, la concentration ou la gestion des émotions, des chercheurs testent les effets de la musique. Leurs résultats ont été publiés dans la revue PNAS.
La naissance prématurée d’un enfant interrompt son développement in utero : ses organes sont présents mais ils sont immatures. Ceci concerne principalement quatre parties du corps : le cerveau, les poumons, le tube digestif et le canal artériel, d’où de nombreuses séquelles possibles.
"Il était important que ces stimuli musicaux soient liés à l’état du bébé, explique Lara Lordier, docteure en neurosciences aux HUG et à l’université de Genève et directrice de l’étude. Nous voulions structurer la journée avec des stimuli agréables aux moments appropriés : une musique pour accompagner leur réveil, une musique pour accompagner leur endormissement, et une musique pour interagir pendant les phases d’éveil". Le pungi (la clarinette des charmeurs de serpents) a suscité le plus de réactions chez les bébés.
L’environnement stressant des soins intensifs
"Les déficits neuronaux des grands prématurés sont en partie dus à l’environnement stressant des soins intensifs", explique Lara Lordier selon Le Monde. "Ces bébés sont souvent confrontés à des sollicitations inattendues, parfois sans lien avec des événements les concernant, ce qui rend plus difficile le fait de leur attribuer un sens. D’un autre côté, ils peuvent également manquer de stimulations agréables et structurantes."
Dans le cadre de l’expérience, trois musiques de huit minutes accompagnent l’endormissement et le réveil des bébés. Les morceaux ont été composés spécialement par le musicien zurichois Andreas Vollenweider. "Ces paysages musicaux ont été construits sur la base de centaines de sons permettant une relaxation profonde", décrit-il.
Développement du cerveau
Bilan : "grâce à des examens réalisés par IRM fonctionnelle au repos, nous avons pu observer que le développement du cerveau des bébés à qui l’on avait passé ces morceaux était davantage similaire à celui des enfants nés à terme", se félicite la professeure Petra Hüppi, médecin-cheffe du service de développement et croissance des HUG.
Ces trente dernières années, les progrès scientifiques ont permis de sauver de plus en plus de bébés prématurés. Jusqu’aux années 1980, on estimait que l’âge gestationnel minimum pour la viabilité était de 28 semaines. À ce stade, le bébé pèse un kilo. Aujourd’hui, des nouveaux-nés survivent à 24, 23 voire 22 semaines et en ne faisant qu’environ 500 grammes. Une petite fille née à 245 grammes vient même de sortir indemne de la maternité. "Je fais ce métier depuis 40 ans, et j’ai vu le seuil de viabilité reculer d’une semaine tous les 10 ans dans mon hôpital", constate Edward Bell, médecin en néonatalogie et professeur de pédiatrie à l’Université d’Iowa (Etats-Unis).