Les sushis n’ont plus rien d’un mets exotique depuis quelques années en France. Manger du poisson cru est entré dans les habitudes alimentaires hebdomadaires de nombre de Français. Or, les poissons gras (saumon, thon, maquereau…) accumulent dans leur chair des contaminants comme les dioxines et les PCB (polychlorobiphényles). Ces molécules ont par exemple des effets sur le développement mental et moteur de l'enfant exposé in utero ou sur le système endocrinien de l’adulte. En conséquence, ils ne devraient pas être consommés en trop grandes quantités, notamment chez des populations sensibles comme les femmes enceintes.
Cette semaine, les autorités de santé norvégiennes ont publié un avis précisant que la consommation de poisson gras pour les femmes enceintes devait être limitée à deux apports hebdomadaires. Un conseil de modération d'autant plus étonnant que la Norvège est le plus gros producteur mondial de saumon. Le Nifes, l'organisme norvégien de recherche en nutrition et produits de la mer, indépendant de l'industrie de la pêche, a réagi promptement : « Les recommandations des autorités de santé sont basées sur des chiffres qui datent de 2006, explique Ingvild Eide Graff, directrice des recherches au Nifes. Depuis, les concentrations en dioxine du saumon [élevé en Norvège] ont baissé d’un tiers. » Pour le Nifes, il est donc aujourd’hui tout à fait possible de manger du poisson gras plus de deux fois par semaine.
L’explication se trouve dans l’évolution de la nourriture des poissons d’élevage. « Ils étaient historiquement nourris avec des ingrédients issus de la mer, donc qui apportaient des contaminants. Aujourd’hui, les poissons mangent une plus grande proportion d’huile végétale, qui ne contient pas de dioxines », développe Ingvild Eide Graff. En France, le Pr Le Bizec, du Laboratoire d’études des résidus et contaminants dans les aliments, confirme le fait que la nourriture des poissons d’élevage est très contrôlée.
Ecoutez le Pr Bruno Le Bizec, directeur du Laboratoire d’études des résidus et contaminants dans les aliments (Laberca) : « Le saumon d’élevage a une alimentation règlementée, il n’est pas exposé comme d’autres poissons aux contaminants. Il n’y a pas de raison de modifier notre consommation de ce poisson. »
Recommandations de l’Anses
Les recommandations de la France reste toutefois prudentes. L’Anses recommande « de consommer du poisson deux fois par semaine en associant un poisson à forte teneur en oméga 3 et un poisson maigre ». Toutefois, il ne faut pas tomber dans la tendance inverse et manger trop peu de poissons gras. « Ils sont source de bons acides gras oméga 3, essentiels pour l’organisme, explique le Dr Laurent Chevallier (1), consultant nutrition, chef de l’unité de médecine environnementale de la clinique du Parc. Malgré les contaminants qu’ils contiennent, il y a davantage d’inconvénients à ne plus en prendre du tout. »
L’Anses précise également qu’il faut aussi penser à « varier les espèces et les provenances ». En effet, la pollution des mers et océans n’est pas la même selon l’endroit du monde où les poissons sont pêchés ou élevés.
Ecoutez le Pr Bruno Le Bizec : « Les habitudes alimentaires sont différentes selon les pays d’Europe. Donc, les niveaux d’exposition sont différents. »
Des restrictions plus rigoureuses pour d’autres poissons
Certains poissons sont dits bio-accumulateurs de PCB, c’est-à-dire qu’ils concentrent particulièrement ce contaminant. Il s’agit de l’anguille, du barbeau, de la carpe… Pour ces poissons, la consommation doit être limitée à deux portions par mois et ce pour l’ensemble de la population. Au restaurant japonais désormais, il faudra penser à alterner avec le menu brochettes.
(1) Auteur de Le livre antitoxique, 2013, Ed. Fayard