Comme l’Homme, le singe est touché par la crise de la quarantaine. Comme l’Homme, il fait de la politique, raisonne et utilise des outils. Et pour cause : son cerveau est très similaire à celui des humains. En 2012, une étude avait ainsi prouvé que le cerveau du bonobo et du chimpanzé commun était identique à 98,7% au notre. L’année dernière, des chercheurs ont même découvert que les singes traitaient les informations visuelles de la même façon que nous. Mais qu’en est-il des informations auditives ?
D’après une étude parue le 10 juin dans la revue Nature Neuroscience, si elle a quelques points communs, la façon dont le cerveau humain et celui des macaques reçoit le son diffère toutefois légèrement. En effet, depuis l'apparition des premiers Hommes, notre cerveau aurait évolué pour finalement préférer la musique et la parole au bruit, contrairement à celui du singe, incapable de faire la différence.
Pour en arriver à cette conclusion, les chercheurs ont travaillé avec trois macaques rhésus et quatre humains. Ils leur ont fait écouter des tons harmoniques et des bruits comportant cinq gammes de fréquences différentes. A l’aide d’images d’IRM, ils ont mesuré les réponses cérébrales. La première analyse ne montre aucune différence dans les réponses cérébrales entre les humains et les singes : les mêmes parties des cortex auditifs ont été activées chez les deux espèces. En y regardant de plus près, les chercheurs ont toutefois observé que les cerveaux humains étaient bien plus sensibles aux "pics" dans les tons harmoniques que les animaux, qui ne semblaient pas les distinguer du bruit normal.
"Le singe macaque expérimente la musique et d'autres sons différemment"
Or, ces fréquences harmoniques faites de "pics" ou "hauteurs tonales" font partie intégrante de la parole et la musique, explique l’étude. Et même quand les chercheurs ont exposé les macaques à des sons avec des harmonies plus naturelles (des enregistrements d'appels de macaques), les résultats sont restés les mêmes. Les cerveaux humains sont donc plus sensibles à la "hauteur tonale".
"Nous avons découvert que les cerveaux humains et de singes avaient des réponses très similaires aux sons dans une gamme de fréquences données. C'est lorsque nous avons ajouté une structure tonale aux sons que certaines de ces mêmes régions du cerveau humain sont devenues plus réactives", note Bevil Conway, auteur principal de l’étude. "Nous avons observé qu’une certaine région de nos cerveaux avait une préférence plus forte pour des sons avec de la hauteur que le cerveau des singes (…) Ces résultats laissent penser que ces sons, qui font partie de la musique et de la parole, pourraient avoir formé l’organisation basique du cerveau humain", poursuit-il.
En revanche, "ces résultats suggèrent que le singe macaque expérimente la musique et d'autres sons différemment". "On se demande quel genre de sons nos ancêtres de l'évolution ont expérimenté", s’interroge Conway. Enfin, cette étude peut également "aider à expliquer pourquoi il a été si difficile pour les scientifiques de former des singes à la réalisation de tâches auditives que les humains trouvent relativement faciles", conclut-il.
Il y a quelques années, une étude sur le cerveau de l’homme et du singe avait déjà mis en lumière les différences liées à l’audition. Les chercheurs avaient ainsi pu observer que le cortex préfrontal ventrolatéral n'est pas relié de la même manière aux zones cérébrales impliquées dans l'audition chez les animaux. "Cela explique pourquoi les macaques se débrouillent très mal à certains tests d’audition. Cela suggère aussi que l'Homme utilise ce qu'il entend pour réaliser des fonctions intellectuelles que les macaques sont incapables de faire", notait ainsi l’étude.