Après la Chine, le biologiste russe Denis Rebrikov veut lui aussi faire naitre des bébés génétiquement modifiés. "Rebrikov a prévu d'implanter les embryons modifiés à des femmes séropositives qui ne répondent pas aux médicaments anti-VIH classiques. Elles ont plus de risques de transmettre leur infection à l'enfant. Si l'édition du gène CCR5 a bien fonctionné, alors ce risque serait considérablement réduit selon Rebrikov", indique la revue Nature.
En novembre dernier, le chercheur chinois He Jiankui provoquait la colère de la communauté scientifique en révélant avoir réussi à créer deux bébés génétiquement modifiés pour qu’ils soient résistants à la contamination au VIH. Ces deux jumelles, nées de parents dont l’un est séropositif, avaient été créées grâce à la technique des "ciseaux génétiques", dont le nom scientifique est CRISPR-Cas9.
Une expérimentation "choquante"
Déjà expérimentée chez les animaux, cette technique consiste à enlever et à remplacer des parties indésirables du génome. Lorsque les ovules et le sperme ont été combinés, le scientifique chinois a ajouté une protéine CRISPR afin de modifier le gène CCR5 des embryons. Cette mutation "CCR5 delta 32"permet de "fermer la porte" par laquelle le VIH peut entrer et infecter les cellules.
Une expérimentation jugée "choquante" et "préoccupante" pour la communauté scientifique. En effet, la modification du génome humain reste mystérieuse et potentiellement dangereuse puisqu’elle peut se transmettre entre générations et modifier tout le patrimoine génétique. Accusé de passer outre l’éthique médicale et de rechercher "la gloire personnelle et la fortune", le Pr He Jiankui avait persisté à défendre ses travaux, et même annoncé qu’une deuxième grossesse d’enfants génétiquement modifiésétait en cours.
Une technologie "beaucoup trop dangereuse"
Pourtant, la mutation delta 32 du gène CCR5 raccourcirait d’environ 2 ans l’espérance de vie des personnes qui en sont porteuses, selon une récente étude. Pour parvenir à cette conclusion, les chercheurs ont analysé entre 2006 et 2010 les génomes de 410 000 participants issus de UK Biobank, la banque de données britannique. Ils ont pu observer que les personnes présentant cette modification du gène CCR5 avaient un risque significativement plus élevé de mourir entre 41 et 78 ans. Cette modification génétique "réduirait la protection contre certaines maladies infectieuses, comme la grippe". "De ce fait, ce n’est probablement pas une mutation que la majorité des gens souhaiteraient avoir", explique le Pr Rasmus Nielsen.
Selon lui, "au-delà des nombreuses questions éthiques liées aux bébés CRISPR, le fait est qu'à présent, avec les connaissances actuelles, il est toujours très dangereux d'essayer d'introduire des mutations sans connaître tout l'effet qu'ont ces mutations."