Fumer régulièrement du cannabis quand on est ado et prolonger sa consommation sur plusieurs années peut altérer durablement les circuits cérébraux et favoriser le déclin cognitif. C’est ce que met en lumière une nouvelle étude menée par des chercheurs américains et publiée dans le Journal of the American Academy of Child and Adolescent Psychiatry (JAACAP).
Cerveau en développement
Selon ses auteurs, fumer des joints quand on est encore adolescent peut affecter de manière durable le contrôle cognitif, c’est-à-dire l’ensemble des processus par lesquels l'esprit gouverne, régule et guide les comportements, les impulsions et la prise de décision basés sur des objectifs. Ils ont aussi constaté que ces altérations sont d’autant plus importantes et persistantes chez les personnes qui ont commencé à consommer du cannabis tôt, alors que leur cerveau était encore en développement.
"La plupart des adultes ayant des problèmes de consommation d'alcool et d'autres drogues avaient très probablement des problèmes de toxicomanie et d'alcool à l'adolescence, une période de développement au cours de laquelle les circuits neuronaux qui sous-tendent les processus de contrôle cognitif continuent de mûrir", explique la Dre Marilyn Cyr, auteure principale et chercheuse postdoctorale de la Division of Child and Adolescent Psychiatry du New York State Psychiatric Institute. "En tant que tel, le cerveau de l'adolescent peut être particulièrement vulnérable aux effets de la consommation de substances, en particulier le cannabis, la drogue récréative la plus couramment consommée par les adolescents du monde entier", ajoute-t-elle.
Des difficultés dans la résolution des conflits
Pour parvenir à ce résultat, les chercheurs ont analysé les données d'imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) obtenues auprès de 28 adolescents et jeunes adultes âgés de 14 à 23 ans et ayant une consommation importante de cannabis et de 32 témoins sains non consommateurs. Les participants ont été analysés au cours de l'exécution d'une tâche d'incompatibilité spatiale appelée tâche Simon. Il s’agit d’un exercice de contrôle cognitif qui nécessite la résolution d'un conflit cognitif pour réagir avec précision.
Les chercheurs ont alors remarqué que comparativement avec ceux ne fumant pas de cannabis, les adolescents et les jeunes adultes consommateurs ont montré une activation réduite dans les circuits fronto-striataux, qui favorisent le contrôle cognitif et la résolution des conflits. Ils ont aussi constaté qu’une consommation chronique précoce peut avoir un impact plus important sur le développement de ces circuits cérébraux qu’une consommation tardive.
Identification de cibles cérébrales
"Ces résultats constituent une première étape vers l'identification de cibles cérébrales pour les interventions précoces qui réduisent les comportements de dépendance en améliorant la capacité d'autorégulation", explique le Dr Cyr.
Selon elle, étant donné que "la consommation d'alcool et d'autres drogues et les taux de rechute sont associés aux processus de contrôle", des stratégies thérapeutiques "comme l’entraînement cognitif, qui ciblent spécifiquement les circuits du cerveau à la base de ces processus de contrôle peuvent être utiles" en complément des programmes de soins déjà mis en place contre les troubles liés à la consommation de cannabis.