Si tout le monde a déjà entendu parler du Viagra, la "pilule bleue magique" qui traite les dysfonctionnements érectiles des hommes, peu de gens sont au fait des médicaments capables d’aider les troubles de libido des femmes, dont on parle d’ailleurs très peu. Pourtant, selon diverses études entre 10 et 50% des femmes adultes rencontreront un jour des difficultés sexuelles liées au désir. Si en Europe, elles seraient seulement 6 à 13% à en souffrir, aux Etats-Unis, les chiffres seraient plus élevés : 12 à 19%.
Mais les autorités sanitaires américaines veulent changer la donne puisque la Food and Drug Administration (FDA) vient d’autoriser la mise sur le marché d’un nouveau traitement pour améliorer le désir sexuel féminin. Ce médicament, du nom de Vyleesi, ne doit toutefois pas être utilisé par les femmes souffrant de problèmes cardiaques ou d’une haute pression sanguine, met en garde la FDA.
Commercialisé par la société AMAG Pharmaceutiques, Vyleesi s’injecte via un stylo au niveau de la taille ou de l’abdomen 45 minutes avant d’avoir des rapports sexuels. "Nous sommes bien sûr ravis de pouvoir offrir d’autres options aux patientes", explique Julie Krop, d’AMAG, citée par le New York Times, sans donner de détails sur l’aspect financier du traitement. "Ces femmes ont grandement souffert, souvent en silence, d’une condition stigmatisée et beaucoup d’entre elles ne savent pas que cette condition médicale est traitable".
Cela fait des années que la FDA est sous pression pour autoriser plus de médicaments pour les femmes souffrant d’une faible libido, un trouble connu sous le nom de désordre sexuel hypoactif, dont, d’après AMAG, six millions d’Américaines pré-ménopausées souffriraient.
Des nausées en effets secondaires
Jusque là, un seul traitement existait, également autorisé en France : l’Addyi. Ce traitement est toutefois assez contraignant puisque, contrairement à Vyleesi, il doit être pris tous les jours pendant plusieurs mois avant d’en ressentir les effets. En effet, contrairement au Viagra masculin, l’Addyi vise à stimuler la chimie du désir féminin plutôt que la mécanique du plaisir. Ainsi son action pharmacologique se joue en réduisant le taux de sérotonine-un neuro-transmetteur impliqué dans la régulation de l'anxiété et de l'humeur- dans le cerveau.
Mais l’Addyi est très faiblement utilisé. En effet, outre les difficultés des médecins à déterminer dans quelles conditions le prescrire, ce médicament ne peut pas être mélangé à de l’alcool sous risques d’évanouissements.
Si ce n’est pas le cas de Vyleesi qui peut d’ailleurs s’administrer n’importe quand, ce nouveau médicament n’est toutefois pas parfait non plus. Ainsi, lors des essais cliniques, 40% des participantes ont souffert de nausées après l’avoir pris. Et, 18% des femmes ayant abandonné l’étude sont parties à cause de ces nausées. Par ailleurs, environ 1% des patientes ont rapporté un assombrissement des gencives et de parties de la peau persistant une fois le traitement terminé. Rappelons également les recommandations de la FDA pour les femmes souffrant de forte pression sanguine et de risques cardiovasculaires.
Un trouble bien plus compliqué à traiter chez les femmes que chez les hommes
Enfin, si les participantes ont rapporté une augmentation du désir et une diminution de leur détresse concernant le sexe, cela n’a pas augmenté le nombre "d’évènements sexuels satisfaisants" de manière significative. Les femmes qui souffrent d’une faible libido ne font pas moins l’amour que les autres, note le Docteur Krop. Mais elles y prennent moins de plaisir. "Il y a souvent des fois où elles se forcent car elles veulent préserver leur relation. Le problème c’est qu’elles sont malheureuses de leurs rapports sexuels", explique-t-elle.
Car chez les femmes, le fonctionnement du désir est infiniment plus complexe que chez les hommes. "Le désir est une construction délicate qui s'établit en permanence entre mécanismes inhibiteurs et facilitateurs, et ces mécanismes sont infiniment plus complexes chez les femmes que chez les hommes", expliquait ainsi Marie-Hélène Colson, directrice d'enseignement en sexologie à la faculté de médecine de Marseille dans article de Sciences et Vie consacré à l’Addyi. Alors que chez l’homme, l’hormone de la testostérone a énormément d’ampleur sur le désir, chez les femmes de multiples hormones et neurotransmetteurs le contrôlent, dont notamment l'ocytocine, l'hormone de l'affection et de l’attachement.
"Peu importe la qualité de ma psychothérapie, la qualité de la relation amoureuse, la valeur qu’elles accordent à une sexualité saine, il y a un grand nombre de problèmes que je ne peux pas traiter car il y a des soucis biologiques sous-jacents", renchérit quant à elle auprès de CNN le Dr. Nicole Cirino, co-directrice de la Clinique sur la Ménopause et la Thérapie Sexuelle au Centre de Santé et de la Science de l’Oregon pour la Santé des Femmes.
Ainsi, pour elle, Vyleesi ne sera pas nécessairement un traitement prioritaire chez les femmes souffrant d’une faible libido. Cela pourrait en revanche s’ajouter à d’autres traitements comme la psychothérapie et l’Addyi. Et de rappeler qu’avant de prescrire ce médicament, les médecins doivent d’abord s’assurer que leur patiente n'a pas de problèmes divers avec son conjoint ou n’est pas sous un autre traitement (antidépresseur par exemple) susceptible d'entraîner des troubles de désirs sexuels.