« Lorsqu’ils parlent d’alimentation avec leur adolescent, les parents doivent comprendre quels types de conversations peuvent être utiles ou dangereuses », explique le Pr Jerica Berge, psychiatre et chercheuse de l’Université du Minnesota. Son équipe, qui publie aujourd’hui une étude dans la revue JAMA Pediatrics, a interrogé 2348 adolescents et 3528 parents sur leurs discussions à propos d’alimentation et de poids.
Il apparait que les troubles du comportement alimentaires au sens très large (multiplication des régimes mais aussi anorexie et boulimie) sont plus fréquents que la moyenne chez les adolescents dont les familles discutent de poids et de la nécessité d’en perdre. Ils sont en revanche moins fréquents que la moyenne chez ceux dont les discussions familiales portent sur l’équilibre de l’alimentation sans notion de contrôle de poids.
La proportion d’adolescents présentant des troubles du comportement alimentaire est de 39% parmi les ados qui parlent de contrôle du poids avec leur mère ou leur père contre 30% dans les familles qui n’abordent pas le sujet. La perception que leur père a de leur poids influence fortement le comportement des jeunes filles, à tel point que les auteurs recommandent aux papas d’éviter les discussions liées au poids avec leurs filles adolescentes. « L’atmosphère familiale autour de la nourriture joue un rôle important, confirme le pédo-psychiatre Philippe Jeammet. D’autant plus que notre société a un rapport à l’alimentation de plus en plus anxiogène, comme s’il s’agissait d’une menace dont il faudrait se protéger par un contrôle obsessionnel du poids. »
Ecoutez le Pr Philippe Jeammet, professeur émérite de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à l’Université Paris Descartes : « Dans certaines familles, l’inquiétude liée au contrôle du poids domine et peut se révéler pathogène. »
Chez les adolescents les plus fragiles, le trouble du comportement alimentaire se manifesterait comme une réponse involontaire à l’atmosphère angoissée et angoissante de leur famille autour de l’alimentation et de la prise de poids. « Il n’est pas question de rendre les parents responsables de la maladie de leur enfant, tempère ce spécialiste des troubles de l’adolescent. Mais il faut que les adultes prennent conscience que la prévention par l’inquiétude ne marche pas, pas plus contre les troubles alimentaires que contre la drogue ».
Ecoutez le Pr Philippe Jeammet : « Tous ces troubles sont des tentatives de contrôle de l’angoisse qui enferment l’adolescent et se révèlent destructrices»
L’idéal serait donc d’aborder l’alimentation en famille à travers des notions positives comme le plaisir ou le partage plutôt qu’à travers la peur du bourrelet ou des kilos en trop, voire la menace d’obésité brandie dès l’enfance pour effrayer les petits gourmands. Mais l’étude Nutrinet-Santé, qui scrute les comportements alimentaires de plusieurs milliers d’internautes volontaires, a montré l’an dernier que 7 Françaises sur 10 et 1 Français sur 2 souhaitaient s’alléger de quelques kilos. « Le régime des parents peut être une bonne occasion pour aborder en famille les notions d’équilibre alimentaire, positive Philippe Jeammet. Mais attention, plutôt avec humour et sans créer une atmosphère pesante pour les enfants où les calories sont comptées ! »