ACCUEIL > QUESTION D'ACTU > Homéopathie : « une efficacité insuffisante pour être proposée au remboursement »

Décision de la HAS

Homéopathie : « une efficacité insuffisante pour être proposée au remboursement »

Par Anaïs Col

La HAS a identifié les données scientifiques pour 24 affections et symptômes traités avec des médicaments homéopathiques et considère qu'ils "n'ont pas démontré scientifiquement une efficacité suffisante pour justifier d'un remboursement".

icefront /istock

Comme vous le savez, à la demande du ministère de la Santé, la commission de la transparence de la Haute Autorité de Santé a évalué l'efficacité médicale de 1200 produits homéopathiques, dont certains sont actuellement remboursés à 30% par la sécurité sociale. Elle a donc analysé plus de 1000 publications scientifiques, les contributions des parties-prenantes ainsi que les documents et dossiers déposés par les trois fabricants, à savoir le laboratoire français Boiron, leader mondial du marché, le suisse Weleda et l’allemand Lehning. 

"Au terme de cette évaluation scientifique qui a nécessité 9 mois de travail, la commission de la transparence a rendu un avis défavorable au maintien du remboursement des médicaments homéopathiques, annonce-t-elle officiellement ce vendredi dans un communiqué, s'opposant donc à l'avis de la majorité des Français

24 affections et symptômes étudiés

La commission de la transparence a identifié des données scientifiques pour 24 affections et symptômes traités avec des médicaments homéopathiques tels que les troubles de l'anxiété, les verrues plantaires, les soins de support en oncologie, ou encore, les infections respiratoires aigües chez l'enfant. Mais, pour l'ensemble de ces affections et symptômes, elle a considéré que "ces médicaments n'ont pas démontré scientifiquement une efficacité suffisante pour justifier d'un remboursement". Plusieurs raisons motivent cette conclusion :

- absence de preuve de l'efficacité (données cliniques ne permettant pas de conclure à une efficacité suffisante ou absence de données disponibles),

- pas de nécessité de recourir systématiquement à des médicaments (classiques ou homéopathiques) pour traiter des pathologies sans gravité ou qui guérissent spontanément,

- absence d'étude robuste permettant d'évaluer l'impact des médicaments homéopathiques sur la qualité de vie des patients,

- absence d'impact attribuable aux médicaments homéopathiques sur la consommation d'autres médicaments, la diminution du mésusage, le nombre d'hospitalisations, les retards à la prise en charge ou sur l'organisation des soins.

La décision finale revient au gouvernement

Cet avis a été transmis aux laboratoires ainsi qu'à la ministre la Santé Agnès Buzyn à qui il appartient de prendre la décision finale sur le maintien ou non du remboursement des médicaments homéopathiques par l'assurance maladie. Cette dernière avait déjà déclaré qu'elle se rangerait à l'avis de la commission de la transparence de la HAS, mais interrogée sur France 2 jeudi matin, elle a indiqué qu'elle attendrait quelques jours avant de rendre un avis définitif. Selon elle, "l'urgence est de gérer la canicule".

Mais les pro-remboursement notent l'urgence de la situation. "Nous demandons un moratoire" ainsi qu'"un débat parlementaire suivi d'un débat public", a déclaré Valérie Lorentz-Poinsot, directrice générale du leader mondial Boiron, lors d'une conférence de presse. Une campagne baptisée "Mon homéo, mon choix" a été lancée par les laboratoires, des médecins homéopathes et des associations d'usagers, ainsi qu'une pétition qui revendique à ce jour 1,1 million de signatures. Des manifestations ont également été organisées pour faire valoir qu'un déremboursement menacerait 1 300 emplois (1000 chez Boiron et 300 chez Lehning et Weleda).

Plus de 71,5% des Français sont contre le déremboursement

Plus de 71,5% des Français estiment que les traitements homéopathiques sont "efficaces", "naturels", "peu couteux", "sans danger" ni "effets secondaires". L'homéopathie est "moins toxique" que les "produits issus de la pétrochimie-chimie et beaucoup moins onéreux, c'est un non sens de s'y attaquer", a déclaré l'un des répondants à un sondage Pourquoi Docteur

L'homéopathie "coûte moins cher à la sécu que les spécialités des groupes pharmaceutiques", estime un autre. Mais combien coûte-t-elle précisément ? En 2016, 129 001 456 boîtes de granules, solutions liquides et autres produits homéopathiques ont été remboursés, soit un coût de 56 millions d’euros sur un total de 19 milliards de remboursements. L'homéopathie représente donc environ 0,29% des remboursements de médicaments effectués par la sécurité sociale chaque année.

"S'il n'y a plus d'homéopathie, on va tous se rabattre sur l'allopathie (médecine traditionnelle, NDLR) qui coûte bien plus cher et entraîne souvent des effets secondaires", nous explique un répondant. Et une autre de préciser : "je suis moi-même utilisatrice, je ne pourrais plus me le permettre si le médicament n'est plus remboursé". Pour la majorité de nos lecteurs, dérembourser l'homéopathie "serait une hérésie".