Après un sursis d’un an, le plan Alzheimer 2008-2012 touche à sa fin. Les Prs Joël Ankri et Christine van Broeckhoven remettent ce mercredi à la ministre de la Santé leur rapport d’évaluation. Quel bilan pour ce troisième plan Alzheimer qui avait notamment mis l’accent sur les aidants et les familles ?
Les associations de malades n’attendent pas ces conclusions pour faire déjà part de leurs inquiétudes. « Ce plan était très abouti sur le papier, mais la concrétisation des mesures a débuté tardivement, témoigne inquiète Marie Odile Desana, la présidente de France Alzheimer. On évalue aujourd’hui des mesures qui ont été mises en place il y a à peine plus d’un an…» 1,6 milliard d’euros ont été alloués pour la mise en œuvre de 44 mesures décidées en 2008. Or à ce jour, seule la moitié de l’argent a été dépensé.
Résultat : « Le plan Alzheimer reste très abstrait pour les familles, elles sont nombreuses à nous rapporter qu’elles n’en voient pas les effets concrets dans leur vie quotidienne », dénonce Marie-Odile Desana. « Aujourd’hui, elles manquent toujours de structures de répit, comme des places en accueil de jour, ou des hébergement temporaires d’urgence, où la personne malade peut être prise en charge pendant quelques semaines quand l’aidant est épuisé ou à un pépin de santé. » C’était pourtant l’objectif de la mesure n°1. Sur la période 2008-2012, 11 000 places d’accueil de jour étaient initialement prévues. D’après l’association, seulement un tiers des places a été ouvert.
Ecouter Marie-Odile Desana, la présidente de France Alzheimer. « L’hébergement temporaire est une mesure sinistrée, elle ne s’est pas développée. »
Un constat qui s’applique plus globalement à l’ensemble des mesures relatives à l’amélioration de la qualité de vie des personnes malades et des aidants. Fin 2012, seuls 35% du budget prévu pour ces mesures ont été réellement dépensés. Cependant, quelques améliorations peuvent être notées comme des actions de formation et de sensibilisation des aidants. « Depuis 2009, nous avons formé 11 000 aidants dans toute la France, explique la présidente de France Alzheimer. Cela permet de ne pas laisser le malade et son aidant démunis et isolés. »
Ecouter Marie-Odile Desana. « Ce sont des modules d’information sur la maladie, l’accompagnement, l’aide matérielle et technique, la communication non verbales. »
De son côté, la Fondation Médéric Alzheimer note qu’enntre 2007 et 2011, les consultations mémoire ont développé en interne des activités de soutien aux aidants familiaux : 52 % en proposaient en 2007, et 59 % en 2011. Le soutien psychologique et les réunions d’information sont les deux activités les plus fréquentes. La Fondation note aussi que les files d’attente s’allongent pour les consultations de diagnostic. Entre 2009 et 2011, le délai moyen d’attente pour une première consultation s’est allongé de 49 jours à 52 jours, tous types de consultations confondus.
Face à ce constat, les associations souhaitent évidemment que le plan Alzheimer soit renouvelé et poursuivi, et que les financements soient pérennes. « Toutes les mesures qui ont pu être mises en place ne le sont qu’à titre expérimental… » souligne Marie-Odile Desana.
Mais là aussi l’inquiétude est grande. « Le contexte économique ne porte pas à croire que nous allons avoir les mêmes financements, et il est aussi probable que le futur plan soit élargi aux autres maladies neurodégénératives. C’est intéressant que ces maladies, comme Parkinson, bénéficient des innovations initiées dans les précédents plan Alzheimer, mais le financement doit être à la hauteur de cet élargissement. » La maladie d’Alzheimer concerne près de 850 000 personnes en France, « si on ajoute les autres pathologies neurodégénératives, cela représente près de 1 100 000 de malades ».
Ecouter Marie-Odile Desana. « Si on ne donne pas aux malades et aux familles, les moyens d’y accéder, ce n’est pas la peine de développer des structures de répit. »
Autre crainte, la réforme de la dépendance mainte fois repoussée depuis 2007. Le gouvernement a annoncé timidement une réforme pour la fin de l’année. Marie-Odile Desana espère qu’elle sera à la hauteur des enjeux financiers car elle rappelle que les reste-à-charge pour les familles sont élevés. Pour une personne malade à domicile, il est en moyenne de 1000 euros par mois. Et en établissement, il peut s’élever jusqu’à 2 300 euros. « Or je rappelle que la retraite moyenne d’une femme en France est de 870 euros, d’un homme de 1100 euros, donc vous comprenez bien que sans l’aide du reste de la famille, un couple de personnes âgées ne peut pas s’en sortir, d’autant que la maladie d’Alzheimer est une maladie qui évolue lentement sur plusieurs années. »