Dans le monde, 35% des femmes ont déjà subi des violences physiques ou sexuelles de leur partenaire ou autre au cours de leur vie. Si ces chiffres sont très inquiétants, ils le sont encore plus quand la victime est enceinte. D’après une enquête de l’Inserm et de l’Université de Paris parue dans le Maternal and Child Health Journal, en France, 1,8% des femmes ont subi des violences physiques pendant leur grossesse, ce qui bien sûr, a un impact désastreux sur leur mental et la santé du bébé à la naissance.
"Jusqu’à présent, nous n’avions pas de données concernant les violences physiques spécifiquement pendant la grossesse, à l’échelle nationale", explique l’Inserm dans un communiqué. Pour changer cela, les chercheurs ont étudié les données recueillies au cours de l’Enquête nationale périnatale réalisée en 2016 sur 12 330 femmes dans des maternités publiques ou privées de l’Hexagone. Parmi les 1,8% de participantes interrogées qui avaient subi des violences physiques pendant leur grossesse, il s’agissait surtout de femmes n’habitant pas avec leur conjoint. Les chercheurs ont également remarqué que les violences étaient plus fréquentes sur celles vivant dans des ménages à faibles revenus.
Naissances prématurées, morts in utero…
Et bien évidemment, ces violences ont des conséquences terribles pour la mère et l’enfant. Les femmes enceintes victimes d’abus ont davantage tendance à fumer du tabac ou du cannabis et 62% d’entre elles déclarent avoir été en situation de détresse psychologique pendant la grossesse, contre 24% pour les autres. Concernant le bébé, ces violences sont associées à un risque plus élevé de naissance prématurée ou de transfert dans une unité de soins intensifs, note l’étude.
"Une meilleure connaissance des facteurs associés aux situations de violences et la mise en évidence des complications pour la mère et pour l’enfant devraient aider les professionnels de santé à développer des stratégies préventives ou de protection et les conduire à évoquer cette question lors des consultations anténatales", conclut l’Inserm.
Outre les problèmes exposés ci-dessus, les abus physiques chez la femme enceinte peuvent également entraîner un diabète gestationnel ou une hypertension artérielle, respectivement dus à la malnutrition et au stress, explique au site Magic Maman Mathilde Delespine, une sage-femme ayant mis en place une permanence pour libérer la parole des femmes victimes de violences conjugales à l'hôpital de Montreuil. "De plus, symbole de la grossesse, le ventre de la future maman est le plus souvent attaqué. Peuvent s'ensuivre des hémorragies, un décollement placentaire, une rupture prématurée des membranes, voire une mort in utero", précise-t-elle.
Beaucoup de femmes battues se confient après l'accouchement
Toutefois, si la grossesse exacerbe les violences conjugales (d’après l’association L’Escale spécialiste des violences faites aux femmes, 40% d’entre elles démarrent au cours de cette période), c’est aussi le meilleur moment pour les repérer. En effet, les femmes enceintes voient beaucoup plus régulièrement des professionnels de santé que les autres. "Les victimes se confiant peu, il faut donc leur poser la question et tenter d'initier un dialogue. La Mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences (Miprof) est chargée de sensibiliser et former les professionnels sur les violences faites aux femmes. Dans les études de sagefemme, un pas en avant a été fait", se félicite Marie Delespine.
En 2014, l’article 51 de la loi pour l’égalité homme-femmes a entériné l'obligation de la formation initiale et continue des médecins, personnels médicaux et paramédicaux ainsi que travailleurs sociaux sur les violences faites aux femmes.