La fin d’un terrible feuilleton médical et judiciaire. Jeudi 11 juillet, après avoir passé onze années dans un état végétatif, Vincent Lambert est décédé. Devenu malgré lui le symbole d’une bataille judiciaire entre ses parents, opposés à l’arrêt des soins, et sa femme Rachel, Vincent Lambert s’est éteint à 8h24 du matin au CHU de Reims.
Au-delà de l’histoire d’une famille qui se déchire, le cas Vincent Lambert, infirmier psychiatrique devenu tétraplégique après un accident de la route, est aussi éminemment politique puisqu’il a relancé les débats autour de la législation encadrant les droits des personnes en fin de vie.
Une loi avec des failles
Un texte existe pourtant à ce sujet dans le droit français : la loi Leonetti-Claeys, relative aux droits des malades et à la fin de vie. Votée une première fois en 2005 puis modifiée en 2016 en partie à cause de l’affaire Vincent Lambert, elle prévoit de "faire en sorte que la dernière partie de la vie soit la plus apaisée possible", a déclaré sur RTL le co-auteur de la loi, Alain Claeys.
Ainsi, comme le précise BFMTV, cette loi permet une sédation profonde et continue jusqu’au décès du malade mais interdit "l’obstination déraisonnable" et la "prolongation artificielle de la vie" par le corps médical et ce, même pour les patients qui ne sont pas capables "d’exprimer leur volonté".
Le choix de stopper les traitements (et non les soins) relève quant à lui d’une "décision collégiale", qui doit être prise après consultation des directives anticipées du patient ou, à défaut, de la personne de confiance qui a été préalablement désignée par lui.
Or, c’est bien sur ce point que s’est jouée "l’affaire" Vincent Lambert : ce dernier n’avait en effet ni rédigé de directives anticipées, ni désigné de personne de confiance pouvant se prononcer sur l’arrêt des traitements. À l’heure actuelle, la loi ne répond à certaines questions épineuses : à qui revient la décision d’arrêter ou non les traitements si le malade n’a donné aucune directive et n’est plus en mesure d’exprimer sa volonté ? À qui revient la décision finale : la famille ou les médecins ? Que faire quand les proches du patient, comme c’était le cas pour Vincent Lambert, ne sont pas d’accord ?
Vers une évolution de la loi ?
Faut-il, alors, palier à ces manques en faisant évoluer la loi Leonetti, ou bien en la remplaçant par une nouvelle ?
À ce sujet, les avis des experts divergent.
Interrogé par Le Figaro, le professeur de droit et spécialiste de bioéthique Jean-René Binet considère qu’une réécriture de la loi n’est pas nécessaire, "ni dans un sens, ni dans l’autre" car elle donne un cadre législatif suffisant. "À partir du moment où la loi est rédigée, c’est le médecin qui décide. Mais il ne décide pas de manière arbitraire. (…) Les conditions médicales relèvent d’une expertise qui révèle un pronostic défavorable pour le patient. Les conditions non médicales, elles, relèvent de la position de la famille, des témoignages de la parole ou des valeurs portées par le patient. C’est seulement éclairé par ces circonstances que le médecin prend la décision. Mais c’est toujours lui qui la prend et non la famille. Le poids serait trop lourd pour la famille", explique-t-il.
Dans Marianne, Alain Claeys se prononce lui en faveur de l’évaluation de la loi Leonetti. "Une loi peut toujours être améliorée", affirme-t-il.
Dans The Conversation, le professeur d’éthique médicale Emmanuel Hirsch considère lui aussi qu’il faut "aboutir le processus législatif pour lever les ambiguïtés" de la loi sur la fin de vie. Selon lui, la dernière modification de la loi en 2016 qui donne accès à la sédation profonde et continue jusqu’au décès peut être assimilée à une "euthanasie lente", ce qui ouvre la voie à une loi dépénalisant le suicide médicalement assisté. "Le défi sera désormais d’en définir les règles, et donc les limites, tout en étant capable de préserver les valeurs de sollicitude et de solidarités qui fondent nos devoirs d’humanité auprès de la personne qui meure", estime-t-il.