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Toxicomanie

Un traitement à base de cannabis serait efficace pour contrer l'addiction

Par Raphaëlle de Tappie

D’après une étude parue australienne, le Nabiximols, un médicament à base de cannabis ciblant les récepteurs du cerveau, aiderait à réduire le taux de rechute chez les gros consommateurs de marijuana.  

Yarygin/iStock

Alors qu’en France, l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM) vient de donner son feu vert pour expérimenter le cannabis à usage thérapeutique en situation réelle, des chercheurs australiens ont testé avec succès un médicament pour contrer l’addiction à la marijuana, drogue la plus vendue au monde. D’après une étude parue lundi 15 juillet dans la célèbre revue JAMA International Medicine, le Nabiximols, un médicament à base de cannabis ciblant les récepteurs du cerveau pourrait réduire le taux de rechute.  

Pendant 12 semaines, des chercheurs australiens ont donné quotidiennement 18 sprays de Nabiximols à 128 gros consommateurs de marijuana qui essayaient vainement de décrocher. Il s’agit d’un concentré de cannabis comprenant des proportions égales de cannabidiol (CBD) et de tétrahydrocannabinol psychoactif (THC). Pulvérisé sous la langue, ce composé évite les problèmes respiratoires associés à l’absorption de fumée. Autorisé en Australie, ce médicament est à l’heure actuelle surtout utilisé pour traiter les symptômes de douleurs chroniques des patients souffrant de sclérose en plaques.

En parallèle du traitement, les patients ont dû se soumettre, entre autres, à une thérapie cognitive-comportementale. Au fil de l’essai, les chercheurs ont remarqué une suppression des symptômes du sevrage et des envies de fumer ainsi qu’une amélioration du bien-être, physique et psychologique.

Des principes similaires au remplacement de la nicotine 

"Nous n’avons jamais eu la preuve que les médicaments peuvent être efficaces dans le traitement de la dépendance au cannabis. C’est la première grande étude à démontrer qu’il s’agit d’une approche sûre et efficace", se félicite le professeur Lintzeris, auteur de l’article. "Les principes sont très similaires au remplacement de la nicotine : vous dotez les patients d’un traitement plus sûr qu’une drogue qu’il prennent déjà et l’intégrez à un conseil médical pour les aider à affronter leur utilisation illégale du cannabis", développe-t-il. Si des travaux avaient déjà montré que le Nabiximols aidait au sevrage, "cette nouvelle étude est plus importante car elle montre que le Nabiximols peut aider les patients à atteindre des changements à long terme dans leur utilisation du cannabis", précise-t-il.

Un spray oral peut être un substitut efficace au cannabis fumé

"Au niveau mondial, nous voyons des patients sous cannabis thérapeutique s’éloigner de la prise de cannabis traditionnelle; cette nouvelle étude valide cette tendance en montrant qu’un spray oral peut être un substitut efficace au cannabis fumé chez les utilisateurs réguliers qui cherchent un traitement pour leur consommation", commente quant à lui le Professeur Iain McGregor, co-auteur du papier. 

"Notre étude est une étape importante pour trouver une alternative aux manque de traitements efficaces", conclut Lintzeris. Car "à l’heure actuelle, quatre patients sur cinq retombent dans la consommation régulière six mois après une intervention médicale ou psychologique", rappelle-t-il. 

En France, des médicaments à base de cannabis pourront être prescrits à partir de 2020

Ces résultats sont publiés alors que la France vient d’autoriser la vente de cannabis à usage thérapeutique à l’essai après des années de débat sur le sujet. Après avoir recueilli l’avis du Comité Scientifique Spécialisé Temporaire (CSST) créé en septembre 2018 pour évaluer la pertinence et la faisabilité de ce projet, l’ANSM a donné le 11 juillet son feu vert pour un test. 

A partir de 2020, certains médecins spécialement formés pourront prescrire des médicaments à base de cannabis. Ces ordonnances seront seulement autorisées pour les patients en impasse thérapeutique, ceux souffrant de certaines formes d’épilepsies résistantes aux traitements, de douleurs neuropathiques non soulagées par d’autres traitements, d’effets secondaires de chimiothérapie, de contractions non contrôlées dues à la sclérose en plaque ou encore d’autres pathologies du système nerveux central. 

Rappelons par ailleurs, que le "joint sur ordonnance" sera interdit. Les produits prescrits devront être inhalés, sous forme d’huile ou de fleur séchées, ou ingérés par solutions buvables à partir de gouttes ou de capsules d’huiles.