La dépression fait partie des nombreux maux de ce siècle. En France, entre 2000 et 2018, la prévalence de cette maladie qui se caractérise notamment par une grande tristesse, un sentiment de désespoir, une perte de motivation et de facultés de décision, une absence de plaisir, des troubles alimentaires et du sommeil, des pensées morbides et une dépréciation de sa valeur en tant qu’individu, est passée de 8 à 10% de la population. Et malheureusement, parmi les personnes sous antidépresseurs, ces traitements n'apportent pas d'amélioration de leur état de santé. D’après une étude américaine parue dans The Journal of Psychiatric Research, cela pourrait avoir un lien avec l’apnée du sommeil. Aussi, les professionnels de santé devraient toujours interroger leurs patients dépressifs sur leurs habitudes de sommeil.
S’il est bien connu connu que les gens qui souffrent d’apnée du sommeil obstructive ont tendance à tomber en dépression, notamment en raison de la fatigue, on en sait peu sur les taux de cette affliction chez les patients atteints de troubles dépressifs majeurs. C’est pourquoi les chercheurs ont décidé d’étudier ce phénomène chez les participants d’une étude déjà en cours. Cette dernière avait pour objectif de déterminer si traiter les insomnies des patients en parallèle de leur dépression pourrait aider à réduire leurs pensées suicidaires.
Après avoir exclu de la nouvelle étude les personnes déjà traitées pour apnée du sommeil ou à risque, comme celles souffrant d’obésité morbide par exemple, les chercheurs ont suivi 125 patients atteints de troubles dépressifs majeurs et/ou souffrant de pensées suicidaires. Parmi eux, 44% ne réagissaient pas aux traitements antidépresseurs. En suivant leurs habitudes nocturnes, les chercheurs ont découvert que 17 d’entre eux étaient atteints d’apnée du sommeil.
"Nous avons complètement été pris par surprise"
Chose étonnante : s’ils se plaignaient d’insomnies, ces patients n’évoquaient pas de somnolences journalières ou n’étaient pas non plus particulièrement des hommes en surpoids qui ronflent, remarque le Dr. W. Vaughn McCall du Collège Médical de Géorgie à l’Université Augsta, auteur principal de l’étude, en référence aux caractéristiques majeures du malade type de l’apnée du sommeil. "Nous avons complètement été pris par surprise", explique-t-il.
"Personne ne parle d’évaluer l’apnée obstructive du sommeil comme cause potentielle de résistance au traitement antidépresseur, courant dans 50% des cas chez les patients souffrant de troubles dépressifs majeurs", développe-t-il, espérant que ces résultats poussent les professionnels de santé à considérer le traitement contre l’apnée du sommeil pour gérer une dépression résistante aux traitements. Par ailleurs, une compréhension intégrale des habitudes de sommeil des patients devraient faire partie de la thérapie, insiste-t-il.
Parmi les nombreuses raisons avancées pour expliquer la résistance d’un traitement antidépresseur, l’apnée du sommeil n’est jamais évoquée. Il arrive en revanche que ces patients passent une IRM pour étudier leur carotide (éventuels problèmes de thyroïde) ou leurs lombaires. "Avant de faire une ponction lombaire pour la dépression résistante au traitement, nous pourrions faire un test de sommeil", explique McCall, mettant alors en avant le faible coût de cette démarche.
La dépression résistante aux traitements peut également être un effet secondaire d'autres médicaments, y compris des bêta-bloquants et corticostéroïdes prescrits pour des problèmes tels que le lupus et la polyarthrite rhumatoïde, rappellent les chercheurs. "Le fait est que le traitement de la dépression ne fonctionne souvent pas très bien", déclare McCall. Il a également déjà été prouvé que les patients qui ne répondent pas à un antidépresseur sont de moins en moins susceptibles de réagir aux traitements essayés.
Traiter l’apnée du sommeil pour réduire les pensées suicidaires?
"Nous savons que les patients qui souffrent d’apnée du sommeil ont des symptômes dépressifs. Nous savons que si vous souffrez d’apnée du sommeil, vous n’allez pas répondre bien à un antidépresseur. Nous savons que si vous avez de l’apnée du sommeil et suivez une thérapie CPAP (la Continuous Positive Airway Pressure est une machine de respiration assistée, NDLR), cela s’améliore et maintenant nous savons qu’il y a des cas cachés d’apnée du sommeil chez les personnes dépressives et suicidaires", renchérit-il.
Des questions importantes demeurent toutefois. "Quand le suicide devient-il un facteur? Est-ce que traiter l’apnée du sommeil pourrait également réduire les pensées suicidaires?", s’interroge McCall qui avait déjà montré dans le passé que le manque de sommeil était un important facteur de dépression et celle-ci un risque majeur pour le suicide.
L’apnée du sommeil, qui concerne 5% des Français, se manifeste par des arrêts involontaires de la respiration pendant la nuit. Ces pauses durent plus de 10 secondes, pouvant atteindre jusqu’à 30 secondes et se produisent plusieurs fois par nuit à une fréquence variable. Dans les cas graves, il arrive qu’elles surviennent jusqu’à plus de trente fois par heures. Elles se traduisent alors souvent par une fatigue au réveil, des maux de tête et une somnolence dans la journée. A terme, outre la dépression, l’apnée du sommeil peut entraîner des maladies cardiovasculaires, des défauts de vigilance responsables d'accidents -de la route, en particulier-, ou encore des complications en chirurgie. En effet, ce trouble peut être un facteur de risque en cas d’anesthésie générale.