"Les schémas familiaux ont changé". Tel était en substance le message de la ministre de la Santé Agnès Buzyn au Parisien sur son projet de loi bioéthique, également porté par la garde des Sceaux Nicole Belloubet et la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche Frédérique Vidal, et présenté ce mercredi 24 juillet en Conseil des ministres. Une fois cette étape passée, les députés examineront le texte le 24 septembre pour un vote début 2020. Au programme, ouverture de la PMA aux couples de femmes, conservation des gamètes, GPA, recherches sur l’embryon et inséminations post-mortem.
Concernant le sujet sensible de la procréation médicalement assistée (PMA), cette dernière, jusque-là réservé aux couples hétérosexuels ne pouvant pas avoir d’enfants, devrait bientôt être accessible aux couples de femmes et aux célibataires, soit 2000 femmes en plus par rapport aux 150 000 tentatives de PMA réalisées chaque année en France. "Ce nouveau droit répond à une demande sociétale et nous allons sécuriser leur parcours", explique Agnès Buzyn au Parisien. Toutes les femmes seront intégralement remboursées par la sécurité sociale. "C’est la condition pour que ce droit devienne réalité. Aujourd'hui, nous savons que les couples de femmes qui ont projet de parentalité partent à l'étranger et seules celles qui en ont les moyens peuvent le faire… Ce n'est pas normal", poursuit-elle.
Afin de "ne pas bouleverser le droit de la filiation actuel", les couples homosexuels devront passer chez le notaire pour faire enregistrer une "déclaration anticipée de volonté". "C'est la reconnaissance qu'elles s'engagent à devenir parents de l'enfant à naître, une reconnaissance anticipée de filiation", précise Nicole Belloubet. A la naissance, les deux mères présenteront l’enfant à l’officier d’état civile et seront toutes deux reconnues comme parents. Cette déclaration anticipée sera mentionnée sur l'acte de naissance intégral. Cette mention sera ainsi seulement réservée aux enfants nés par PMA au sein d’un couple lesbien. "Les règles actuellement applicables aux enfants nés de dons dans les couples hétérosexuels, qui reposent sur la vraisemblance biologique, sécurisent déjà la filiation de ces enfants, une modification de ces règles ne s'imposait pas", explique la garde des Sceaux, précisant que seuls l'enfant et ses parents auront accès à l'acte de naissance intégral.
La GPA reste interdite
Et puisque de nombreuses personnes nées d’une PMA avec donneur désirent en savoir plus sur leur origine biologique une fois adultes, le projet de loi prévoit que l’enfant né d’un don pourra désormais avoir accès à des données non identifiantes (âge, caractéristiques physiques) ou à l’identité du donneur, au choix, quand il atteindra la majorité. En revanche, "celui qui donne ne saura toujours pas à qui va son sperme", précise Nicole Belloubet.
Mais si le projet de loi prévoit un assouplissement de la PMA, la gestation pour autrui (GPA) reste quant à elle formellement interdite. "On ne revient pas dessus", insiste la ministre de la Justice, concédant toutefois que le processus d’adoption devait être accéléré.
Alors que les Français ont tendance à avoir des enfants de plus en plus tard, le projet de loi prévoit d’autoriser, de façon encadrée, une femme à congeler ses ovocytes ou un homme son sperme. Ainsi, pour ceux qui tardent à trouver chaussure à leur pied, cette option permettra aux deux sexes de faire des enfants à un âge plus avancé malgré une baisse de fertilité. A l’heure actuelle, cette auto conservation n’est possible que pour des raisons médicales, pour les personnes atteintes de cancer par exemple. Désormais, cela devrait pouvoir se faire probablement à partir de 35 ans. Si l’acte médical sera remboursé, les frais de conservation (100 euros par an environ) seront à la charge des particuliers.
Alléger les demandes d’autorisation dans le cadre des cellules-souches embryonnaires
Autre sujet très sensible : celui des recherches sur l’embryon et les cellules-souches issues d’un embryon humain qui soulève beaucoup de questions éthiques. Avec leur texte de loi, les ministres souhaiteraient alléger les demandes d’autorisation dans le cadre des cellules-souches embryonnaires. "Des thérapies sont en cours, il devenait important qu'on simplifie le processus", explique Frédérique Vidal, évoquant le besoin de faciliter des essais cliniques sur la rétine pour soigner des maladies de l’oeil ou encore des insuffisances cardiaques et des maladies de foie. "Le texte ne permet pas de dérive !", assure-t-elle afin de contrer les éventuelles critiques sur l’eugénisme.
Autre épineux sujet, les inséminations post-mortem. Elles ne sont pas souhaitées par le gouvernement, mais c'est le Conseil d'Etat qui a recommandé de lever l'interdit. Ainsi, le sperme congelé d'un homme décédé pourrait donc éventuellement être utilisé pour féconder un ovule chez sa conjointe. Cette dernière devra toutefois recevoir "un accompagnement médical et psychologique".
65% des Français pour l'extension de la PMA aux couples de lesbiennes
L’extension à la procréation médicalement assistée aux couples de femmes et aux femmes célibataires faisait partie des promesses de campagne présidentielle du candidat Macron. En annonçant mi-juin l’imminence de ce projet de loi, le Premier ministre Edouard Philippe s’est dit "persuadé que nous pouvons atteindre une forme de débat serein" après la polémique nationale sur le mariage pour tous au début du quinquennat Hollande.
"Je serais très surpris si le débat avait la (même) tonalité" cette fois, avançait le ministre, observant "qu'il y a des gens à droite qui se disent favorables" à l'ouverture de la PMA, alors qu'ils étaient très peu à s'être prononcés pour le mariage homosexuel. Malgré ses espoirs, différents groupes proches de la Manif pour tous ont prévu une manifestation à Paris ce 24 juillet.
Rappelons que selon le dernier sondage en date sur le sujet, paru mardi 23 juillet, respectivement 61% et 65% des Français sont favorables à l'extension de la PMA aux couples de lesbiennes et aux femmes célibataires.