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On arrête pas le progrès

Une machine capable d'anticiper les émotions humaines en un rien de temps

Par Raphaëlle de Tappie

Des chercheurs américains ont mis au point une machine capable de faire la différence entre une image déprimante et une joyeuse en quelques fractions de secondes seulement.

Andy/iStock

Chaque jour qui passe, la machine devient aussi intelligente que l’humain, si ce n’est plus. Désormais, grâce à des chercheurs américains, un ordinateur pourrait faire la différence entre une image déprimante et une image joyeuse en quelques fractions de secondes seulement. Les résultats de leur étude sont parus mercredi 24 juillet dans le journal Science Advances.  

"Les systèmes d’apprentissages deviennent très doués pour reconnaître le contenu des images, pour comprendre de quel genre de sujet il s’agit", explique Tog Wager, l’auteur principal de l’étude, chercheur à l’Université Boulder au Colorado (États-Unis), en préambule. "Nous nous demandions : pourraient-ils agir de même avec les émotions ? La réponse est oui."

À partir de travaux antérieurs capables d’associer des réponses émotionnelles stéréotypées à des images, les chercheurs ont mis au point une machine pour prédire ce que ressentirait une personne en voyant telle ou telle image. Puis ils ont montré à un système du nom d’EmoNet 25 000 images différentes et lui ont demandé de les classer en 20 catégories telles le besoin, le désir sexuel, l'horreur, la crainte ou encore la surprise.  

Onze types d'émotions identifiés avec précision

Résultat des courses : la machine a réussi à catégoriser avec précision (95% de bonnes réponses) onze types d’émotions. Encore plus impressionnant : une simple couleur lui suffisait à EmoNet pour prédire une réaction. Elle associait ainsi le noir à l’anxiété ou le rouge à l’envie. Enfin, quand les chercheurs lui ont montré de brefs extraits de films, lui demandant de les classer en comédie romantique, film d’action ou film d’horreur, elle a bien répondu les trois quarts du temps.  

Afin de peaufiner le système, les chercheurs ont fait venir 18 sujets humains. Alors qu’un IRM mesurait leur activité cérébrale, on leur a montré 112 images en flashs de quatre secondes.  

En comparant l’activité de l’ordinateur à celle des participants, les chercheurs ont "trouvé une correspondance entre les schémas d’activité cérébrale dans le lobe occipital et les unités dans EmoNet qui enregistrent des émotions spécifiques. Cela signifie qu’EmoNet a appris à représenter les émotions d’une façon biologiquement plausible, bien que nous ne l’ayons pas entraîné spécifiquement à le faire", expliquent-ils.  

"Nos cerveaux reconnaissent les émotions très tôt"

En observant les radios cérébrales des participants, les chercheurs ont également remarqué qu’une image basique suffisait à entraîner une émotion liée à une activité dans le cortex visuel du cerveau. "Nos cerveaux les reconnaissent (les émotions, NDLR), les catégorisent et y répondent très tôt", s’enthousiasme Tog Wager. Ainsi donc, ce que nous voyons, même brièvement pourrait avoir un impact plus important sur nos émotions que ce que à quoi on pourrait s'attendre. 

"Beaucoup de gens s’imaginent que les humains évaluent leur environnement d’une certaine manière et que les émotions découlent de systèmes cérébraux plus anciens, comme le système limbique", renchérit Philip Kragel, co-auteur de l’étude, attaché de recherche postdoctoral à l'Institut des sciences cognitives. "Nous avons découvert que le cortex visuel lui-même joue également un rôle important dans la façon de gérer et de percevoir l’émotion", développe-t-il.

Ainsi, à terme, des systèmes comme EmoNet pourraient être utilisés pour aider les gens à filtrer numériquement les images négatives ou à en trouver des positives. Ils pourraient également aider à améliorer les interactions entre ordinateur et humain et à faire avancer la recherche sur les émotions, avancent les chercheurs. Et de conclure : "Ce que vous voyez peut faire une grande différence dans votre vie émotionnelle".