En novembre 2018, le scientifique chinois He Jianki a créé la polémique en annonçant la naissance des premiers bébés génétiquement modifiés dans le but de les protéger du sida. Huit mois plus tard, l’OMS a a tranché sur ce sujet. "Les autorités réglementaires de tous les pays ne devraient autoriser la poursuite d’aucun travaux dans ce domaine jusqu’à ce que leurs implications soient bien considérées", annonce le Directeur général, le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, après avoir reçu les recommandations provisoires d'un comité consultatif d'experts.
Ce dernier suggère également que l’OMS crée un "un registre transparent mondial pour toutes les expérimentations liée à l’édition du génome humain". Ainsi, la notice n’interdit pas fermement cette pratique mais recommande aux autorités de la condamner. "L'édition du génome germinal humain pose des défis éthiques et techniques uniques et sans précédent", explique Tedros Adhanom Ghebreyesus.
"Etant donné l’incertitude en ce moment, il serait regrettable pour un pays ou une institution de faire quoi que ce soit de contre indiqué par l’OMS. Globalement, je m’attends à ce qu’elle freine l’enthousiasme d’aller de l’avant dans cette technologie", commente Carolyn Brokowski, chercheuse adjointe et bioéthicienne à la Yale Medical School, citée par le site spécialisé genethique.org. Jennifer Doudna, biochimiste à l’université de Berkeley, espère quant à elles que les gouvernements vont aider à faire respecter les recommandations de l’OMS. "Avec un énoncé comme celui-là, il est clair qu’il ne devrait pas y avoir d’usage d’édition du génome germinal humain dans les cliniques et il devient très difficile pour quiconque d’affirmer qu’ils ne savaient pas ou qu’ils opéraient dans les lignes directrices publiées", déclare-t-elle ainsi.
Un chercheur russe veut lancer des essais malgré tout
"Je félicite l’OMS d’avoir pris une position qui, je pense, va dans la bonne direction sur ce sujet", commente enfin Fyodor Urnov, un scientifique spécialisé dans l’édition du génome selon qui cette technologie n’est pas nécessaire médicalement. Encore faut-il que "cela (ait) un pouvoir dissuasif" de He Jiankui.
Malgré la polémique, un scientifique russe vient d’annoncer vouloir lancer des essais après que des parents se sont portés volontaires pour des modifications de leurs futurs bébés avec la méthode CRISPR-Cas9 communément appelée ciseaux génétiques pour le cerveau. Et étant donné que les composant de cette technique sont facilement accessibles, "l’OMS ne peut pas faire grand-chose pour empêcher des scientifiques peu scrupuleux" de réaliser clandestinement des recherches cliniques dans l’édition du génome.
Cette semaine, des chercheurs américains ont annoncé quant à eux être sur le point de lancer des essais pour tester pour la première fois la technique CRISPR dans un corps humain pour traiter une forme de cécité héréditaire. Les personnes qui soufrent de cette condition (une forme d'amaurose congénitale de Leber) sont nées avec des yeux normaux mais sans le gène capable de convertir la lumière en signaux cérébraux et de produire ainsi la vision.
Le débat reprendra en août à Genève
Les premières manifestation de la maladie apparaissent généralement au cours de l’enfance pour s’empirer au fil du temps. Certains individus finissent par complètement perdre la vue. L’idée des scientifiques est donc de ce servir du CRISPR pour enlever les cellules prématurées de la moelle osseuse et les "modifier" pour qu'elles commencent à augmenter la production d'hémoglobine fœtale (un type d'hémoglobine que l'on retrouve normalement chez les nouveau-nés et les foetus), ce qui devrait rendre les cellules sanguines moins collantes et donc moins susceptibles de s'assembler.
Aussi, contrairement aux bébés chinois "modifiés" in utero, les gènes changés ici ne pourront pas être transmis aux futures générations. Les essais devraient commencer à l’automne sur 45 adultes. A terme, les chercheurs voudraient pouvoir pratiquer cette technique sur les patients dès l’âge de trois ans et en une seule procédure.
Le débat autour des bébés génétiquement modifiés devrait continuer en août lors de la réunion du comité d'experts de l'OMS à Genève, en Suisse. Ces derniers comptent discuter des meilleures manières de "décourager et prévenir l'utilisation irresponsable et inacceptable d'embryons modifiés par le génome pour déclencher des grossesses humaines."