Souffrant du regard des autres et des préjugés liés à leur condition physique, les personnes obèses sont aussi confrontées au regard stigmatisant du corps médical. Pour elles, se rendre chez le médecin est souvent un calvaire, comme l’ont montré plusieurs études.
Outre les remarques récurrentes et malvenues sur leur poids ou le rappel des risques qu’elles prennent pour leur santé, les personnes obèses sont souvent réduites à leur tour de taille et déshumanisées par les professionnels de santé, avait démontré une étude allemande en 2018.
Elles encourent aussi un risque plus important d’errance thérapeutique, les médecins ayant tendance à se focaliser sur la surcharge pondérale sans explorer les autres pistes médicales n’ayant aucun rapport avec le poids de leur patient ou patiente.
Enfin, d’autres travaux ont montré que les médecins avaient tendance à discriminer les personnes obèses – en particulier les femmes -, à être moins respectueux envers elles et à passer moins de temps à se renseigner sur leur santé.
Faire ouvrir les yeux aux médecins
Comment lutter contre ces préjugés qui rendent pénibles et honteux le parcours de soins des personnes obèses ?
C’est la question sur ce sont posés des chercheurs du département de médecin psychosomatique et de psychothérapie de l'hôpital universitaire de Tuebingen, en Allemagne. Leur objectif : faire prendre conscience des préjugés que subissent les personnes obèses en faisant porter une "combinaison de simulation de l’obésité" à des étudiants en médecines. Ce jeu de rôle a ensuite fait l’objet d’une étude publiée dans la revue BMJ Open.
Sous la direction Anne Herrmann-Werner, les étudiants ont à tour de rôle porté un "fat suit" simulant un IMC de 30 à 39, et ont reconstitué une visite de routine chez le "médecin de famille".
Les chercheurs ont ensuite utilisé l’Anti Fat Attitudes Test (AFAT), un test à questions qui mesure les préjugés à l’égard des personnes obèses.
Mieux comprendre les patients obèses
Les réponses des étudiants en médecine ont révélé que tous les participants pensaient que la combinaison était réaliste et efficace et qu’elle rendait le jeu de rôle plus crédible.
Par ailleurs, 3 étudiants sur 4 en moyenne ont déclaré que la combinaison les avait aidés à mieux comprendre le patient. Plus de la moitié des étudiants ayant enfilé le "fat suit" ont cependant déclaré s’être sentis physiquement mal à l’aise en le portant.
La principale limite de l’étude est que les chercheurs n’ont pas évalué les attitudes des étudiants à l’égard des personnes obèses avant l’expérience. Ils ne peuvent donc pas savoir si l’exercice a réellement servi à réduire les préjugés des participants. Pour Anne Herrmann-Werner, cependant, "en dépit de cette limite, nous sommes fermement convaincus que l'intégration d'une [combinaison de simulation d'obésité] dans le contexte de l'enseignement médical de premier cycle est un outil précieux. Elle peut sensibiliser les étudiants en médecine à la possibilité de communiquer avec des patients obèses".