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Grossesse et transidentité

Les hommes transgenres enceints encourent un risque accru de dépression

Par Charlotte Arce

Une étude américaine pointe le manque de soins psychologiques accordés aux hommes transgenres qui porteraient un enfant.

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Lorsqu’elles entament leur transition de genre, certaines personnes ayant été assignées femmes à la naissance font le choix de préserver leurs ovaires et leur utérus. Il leur est alors possible de tomber enceintes et de mener une grossesse à terme après leur réassignation de genre.

Encore peu connues du grand public et toujours taboues, ces "grossesses trans" ne sont pas toujours faciles à vivre par les premiers concernés. C’est ce que montre une nouvelle étude menée par des chercheurs de l’Université Rutgers publiée dans la revue Maturitas. Selon ses auteurs, les hommes trans attendant un ou plusieurs enfants encourent un risque accru de dépression par rapport aux femmes cisgenres enceintes. Ils sont aussi plus enclins à manquer de soins médicaux et psychologiques pendant leur grossesse

"Malgré la visibilité accrue des personnes transgenres - il y a environ 1,4 million de personnes qui ont fait leur transition aux États-Unis - les prestataires de soins médicaux ne sont en grande partie pas préparés à s'occuper d'eux et la plupart ont eu peu de possibilités de formation", explique ainsi Justin Brandt, professeur clinique adjoint au Département d'obstétrique, gynécologie et sciences reproductives à la Rutgers Robert Wood Johnson Medical School.

Un risque de dysphorie de genre

À l’heure actuelle, il n’existe aux États-Unis ou en France aucune donnée sur le nombre d’hommes transgenres qui accouchent chaque année. Ce qui n’empêche pas, selon le Pr Brandt, que leur nombre soit probablement plus élevé que les gens le pensent. Ces grossesses ne sont pas toujours désirées : la recherche suggère ainsi que c’est le cas chez 30% des hommes trans enceints.

Or, montre aussi l’étude, les hommes trans enceints ont besoin de davantage de soutien psychologique pendant et après leur grossesse. Selon le U.S. Transgender Survey, près de 40 % des 28 000 personnes interrogées ont déclaré avoir fait une tentative de suicide, soit près de neuf fois la moyenne nationale. Ce risque peut être accru chez les hommes transgenres qui subissent des changements physiques indésirables résultant de leur grossesse.

"Le processus de transition est long et difficile, et la grossesse, qui est considérée comme une condition féminine, force ces hommes à refaire presque entièrement la transition vers leur sexe assigné à la naissance, ce qui peut aggraver la dysphorie de genre", souligne le Pr Brandt.

La peur des préjugés

Autre problème soulevé par les hommes trans pendant leur grossesse : le regard parfois discriminant du corps médical. 25% des personnes interrogées ont ainsi signalé des expériences négatives en matière de soins de santé au cours de la dernière année.

Ce regard négatif sur leur transidentité conduit de nombreux hommes trans enceints (44%) à consulter un obstétricien en dehors de leur parcours de soins habituel. Ils sont aussi plus enclins à se tourner vers d’autres professionnels de santé que les médecins – comme les sages-femmes – et à accoucher en dehors des maternités (17%).

Autre donnée recueillie lors de l’étude : le mode d’accouchement. 64% des hommes trans interrogés ont accouché par voie vaginale, 25% ont demandé une césarienne. Il s’agit pour eux d’un choix afin de ne pas se sentir mal à l’aise à l’idée que leurs organes génitaux soient exposés pendant plusieurs heures. Ceux ayant choisi un accouchement par voie vaginale ont déclaré que cela leur avait permis de surmonter les sentiments négatifs qu'ils avaient à l'égard du sexe féminin.

Les chercheurs ont également découvert qu'environ 51% des hommes transgenres nourrissaient leur nourrisson au sein ou à la poitrine même s'ils subissaient une chirurgie mammaire.

Mieux prendre en charge les grossesses trans

Pour le Pr Brandt, il est important que les hommes transgenres envisageant de concevoir consultent leur médecin avant de tomber enceints. Ils pourront ainsi poser les questions qui les préoccupent et recevoir des conseils sur les risques d’une grossesse à un âge avancé. Il se veut toutefois optimiste. "Bien que les médecins de Rutgers n'aient pas encore eu de patient transgenre enceint, nos professionnels de la santé sont formés et prêts", affirme le chercheur.

Il conseille aussi aux médecins de se pencher après l’accouchement sur les modes de contraception qu’ils pourront proposer à leur patient. "Les hommes transgenres qui ont l'intention de reprendre la testostérone après l'accouchement peuvent décider de différer leur reprise de contraception car ils pensent que leur hormonothérapie masculine induit un état d'infertilité. Or, ce n'est pas toujours le cas".