ACCUEIL > QUESTION D'ACTU > Pénurie de médicaments : des experts alertent sur la situation

Inquiétudes

Pénurie de médicaments : des experts alertent sur la situation

Par Raphaëlle de Tappie

Dans une tribune parue ce dimanche 18 août dans le JDD, des experts alertent sur l'inquiétante pénurie de médicaments en France. Ils réclament d’imposer aux laboratoires la constitution de stocks pour les remèdes vitaux et de relocaliser la production en Europe.

okskaz/istock

"Las malades sont les premières victimes". Dans une tribune parue ce dimanche 18 août dans le Journal Du Dimanche, une vingtaine de médecins et de professeurs hospitaliers s’inquiètent des pénuries de médicaments, de plus en plus courantes en France. Ils demandent donc d’imposer aux laboratoires la constitution de stocks pour les remèdes les plus importants et de relocaliser la production en Europe.

"Très rares il y a une dizaine d’années, les pénuries de médicaments se multiplient. En 2018, selon l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), on a noté 868 signalements de tensions ou de ruptures d’approvisionnement dont les malades sont les premières victimes lorsque cela concerne des médicaments d’intérêt thérapeutique majeurs (MITM) pour lesquels il n’y a, le plus souvent, pas d’alternative efficace disponible", alertent les 26 signataires.

Ces pénuries concerneraient les médicaments contre le cancer, les antibiotiques, les corticoïdes, les vaccins ou encore des traitements pour l’hypertension, les maladies cardiaques et le système nerveux.

Le retour de la production des principes actifs en Europe

D’après les professionnels de santé, ces ruptures d’approvisionnement pourraient être dues à la délocalisation de la fabrication des médicaments en Inde et en Chine. "Une malfaçon du principe actif peut être à l’origine d’une pénurie qui sera d’autant plus grave et prolongée que le laboratoire en cause en est le seul producteur. Mais le plus souvent les ruptures d’approvisionnement sont liées à une incapacité plus ou moins prolongée de production des laboratoires pharmaceutiques -qu’ils soient eux-mêmes façonniers ou qu’ils aient confié cette tâche à des sous-traitants- souvent médiocrement intéressés par la fabrication de médicaments de faible rentabilité", dénoncent-ils.

Afin de mettre fin à cette situation, ils proposent donc d’imposer "dans l’urgence" aux laboratoires pharmaceutiques la constitution et la gestion de stocks de médicaments vitaux sous formes de produits finis. "Plusieurs mois de stocks permettraient d’amortir les défauts d’approvisionnement. La pénurie avec ses conséquences pour les malades serait ainsi prévenue", font ils valoir. 

Ils demandent également à ce que soit rapatriée en Europe "la production des principes actifs". "Le coût du principe actif ne représentant qu’une très faible part du produit fini, cette relocalisation ne devrait pas pénaliser significativement le prix des médicaments", écrivent-ils. Enfin, ils réclament la création d’un établissement pharmaceutique à but non lucratif pour produire des médicaments passés dans le domaine public, comme aux Etats-Unis. "La création d’une telle structure permettra de prévenir les pénuries et sera le garant de la qualité des médicaments et de prix justes et pérennes", concluent-ils.

Un plan définitif devrait être établi en septembre

Face à ces inquiétantes pénuries de médicaments, la ministre de la Santé Agnès Buzyn a présenté en juillet une feuille de route. Présentée au siège parisien de l’Ordre des pharmaciens, cette dernière comporte une série de "grandes orientations" qui devraient aboutir sur un plan définitif en septembre. Celui-ci devrait reposer sur deux grands axes : "promouvoir la transparence et la qualité de l’information" et mettre en place des "actions ciblées et adaptées à chacun des acteurs du circuit du médicament", telle que la possibilité pour les pharmaciens de "remplacer le médicament indisponible initialement prescrit par un autre médicament", lorsque la pénurie concerne un "médicament d’intérêt thérapeutique majeur".

De même, la ministre de la Santé souhaite une meilleure "coopération européenne", en poursuivant "les discussions sur l’achat groupé notamment de vaccins essentiels au niveau européen" et un "partage d’information concernant les situations et les causes des pénuries à l’échelle de l’Europe". Pour cela, elle prévoit la création d'un comité de pilotage associant l’Agence du médicament (ANSM) et "l’ensemble des acteurs concernés".