En 2018, 770 000 personnes sont mortes du sida dans le monde. Si c’est un tiers de moins qu’en 2010, la lutte contre le sida ne progresse pas assez rapidement, déplore l’Onusida, le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida. C’est pourquoi, les chercheurs s’acharnent à essayer de mieux comprendre la maladie afin de l’éradiquer. Récemment, des scientifiques américains ont fait une découverte capitale sur le sujet.
Si c’est par l’intermédiaire du sperme d’un homme qu’une femme attrape le VIH, la semence aurait toutefois quelques effets protecteurs, révèlent-ils dans un article paru ce mercredi 21 août dans la revue Nature. Car d’après eux, une exposition fréquente et soutenue au sperme pourrait modifier les caractéristiques des cellules immunitaires des tissus circulants et vaginaux ciblés par l'infection, réduisant ainsi les risques. Cela pourrait expliquer pourquoi peu de travailleuses du sexe sont infectées par le sida malgré une activité à haut risque.
En 2015, ces mêmes scientifiques avaient déjà prouvé qu’une exposition continue au sperme chez les prostituées entraînait des changements dans le tissu cervico-vaginal. Mais les chercheurs voulaient savoir si le sperme pouvait être un facteur de résistance au VIH en soi. "Bien que l'infection par le VIH existe depuis plus de 30 ans, il s'agit de la première étude décrivant comment l'exposition au sperme au fil du temps pourrait entraîner des modifications tissulaires locales qui limitent l'infection par le VIH chez les humains", explique Luis J. Montaner, de l’Institut Wistar aux Etats-Unis, auteur principal de la nouvelle étude.
Des taux élevés de facteurs antiviraux dans les tissus cervico-vaginaux
Avec des collègues de l’Université de Puerto Rico, il a administré de faibles doses intra-vaginales de virus simien de l'immunodéficience (SIV) à des primates. Ce virus semblable au VIH entraîne chez ces animaux une maladie similaire au sida.
Les chercheurs ont ainsi pu observer que les primates exposés au sperme (deux fois par semaine pendant cinq mois) présentaient une diminution de 42% du risque d’infection. En analysant les marqueurs spécifiques de l'activation immunitaire dans le micro-environnement cervico-vaginal et dans la circulation sanguine, ils ont découvert que, sur certaines cellules, le sperme était associé à une expression plus faible du récepteur CCR5. Ce dernier permet au VIH de pénétrer dans ses cellules hôtes.
Par ailleurs, les animaux exposés au sperme présentaient également au niveau cervico-vaginal des taux plus élevés de cytokine CCL5, un facteur naturel supresseur du VIH. Enfin, les chercheurs ont observé que cette exposition répétée entraînait des taux élevés de facteurs antiviraux comme la protéine MX1 dans les tissus cervico-vaginaux.
"En plus de définir un nouveau facteur qui pourrait réguler la transmission du VIH, cette découverte inattendue pourrait avoir un impact direct sur la conception de futures études de vaccins anti-VIH qui recrutent généralement des travailleuses du sexe. A l'heure actuelle, on suppose que les rapports sexuels sans préservatifs ne favorisent que la probabilité d'infection. Notre observation, cependant, soulève l'hypothèse que l'exposition fréquente au sperme peut potentiellement réduire la transmission du VIH", notent donc les chercheurs.
Le préservatif reste indispensable
"Il est important de noter que nous démontrons uniquement que l'exposition au sperme peut favoriser la résistance de l'hôte, mais ne protège pas contre l'infection", insiste toutefois Luis J. Montaner. Et de conclure : "Par conséquent, nos données ne changent pas le fait que les méthodes de prévention, telles que l'utilisation du préservatif et la PrEP (prophylaxie pré-exposition), demeurent nos meilleures stratégies pour prévenir l'infection".
La PrEP, traitement préventif du VIH, est de plus en plus populaire auprès des jeunes homosexuels dans les pays occidentaux. D’après étude française parue en juillet et réalisée sur 3 000 personnes pendant trois ans, non seulement cette méthode serait efficace à quasiment 100% mais en plus elle serait bien tolérée par les patients.
Il y a quelques semaines, un laboratoire américain a d’ailleurs annoncé avoir mis au point un nouvel implant sub-cutané, capable de délivrer ce traitement pendant au moins un an. L’outil a été testé avec succès sur 16 patients seins pendant trois mois. La phase 2 de l’essai clinique a été lancé.