Les troubles mentaux se caractérisent généralement par un ensemble anormal de pensées, de perception, d’émotion, de comportements et de relations avec autrui, d’après l’OMS. Parmi ces maladies, l'Organisation liste la dépression (300 millions de personnes de tous âges dans le monde), les troubles affectifs bipolaires (60 millions), la schizophrénie (21 millions), d’autres psychoses telles que la démence (47,5 millions), la déficience intellectuelle et les troubles du développement, parmi lesquels l’autisme (une naissance sur cent).
Et si une maladie comme la dépression peut seulement correspondre à un épisode particulièrement difficile de la vie, de nombreux troubles mentaux trouvent leurs origines dans la génétique. Récemment, des scientifiques ont identifié un gène spécifique qui pourrait expliquer les changements de structure cérébrale observés chez des personnes atteintes de diverses maladies psychiatriques. Cette découverte, parue début août dans la revue Nature Communications, donne une nouvelle explication sur la cause potentielle des troubles psychiques et pourrait à terme aboutir à de nouveaux traitements plus efficaces.
Il y a plusieurs changements génétiques pouvant altérer le risque de désordres psychiques. Parmi eux, le Copy Number Variants (CNV), un endroit où l'ADN est supprimé de l'une des paires de chromosomes. Ici, les chercheurs de l'Institut de recherche en neuroscience et santé mentale de l'Université de Cardiff (Pays-de-Galles) se sont concentrés sur la suppression du gène spécifique CYFIP1, situé dans un endroit précis du chromosome 15, connu sous le nom de 15q11.2. Ils l’avaient déjà identifié dans le passé comme une zone en lien avec des anormalités biologiques associées aux troubles mentaux.
"CYFIP1 est un acteur clé"
En travaillant sur des souris, les chercheurs ont pu démontrer que l’absence de CYFIP1 était liée à des anomalies de la myéline, une couche isolante qui se forme autour des nerfs dans le cerveau, indispensable à une communication rapide et harmonieuse entre les différentes zones cérébrales. Ils ont réussi à retracer ces anomalies jusqu'à des cellules spécifiques du cerveau du nom d’oligodendrocytes. Ces dernières sont à l’origine de la production des gaines de myéline.
"Nous savons que le risque de souffrir d’une maladie psychiatrique est influencé par beaucoup de facteurs liés à l’environnement physique et social ainsi qu’à notre génétique (…) Ce qui nous a le plus surpris, c'est la mesure dans laquelle les effets de suppression de 15q11.2 pouvaient s'expliquer par un seul effet génique", commente Ana Silva, auteure principale du papier et en charge de l’étude.
"Nous pensons que CYFIP1 est un acteur clé dans les effets néfastes de la suppression 15q11.2 et parce que nous savons dans quel type de fonctions cérébrales ce gène est impliqué, nous pouvons utiliser ces connaissances pour améliorer notre compréhension des troubles psychiatriques et potentiellement trouver de nouveaux traitements plus efficaces", s’enthousiasme-t-elle.
Comprendre le mécanisme en jeu afin de le corriger
"Le défi consiste maintenant à donner un sens biologique à la génétique pour nous aider à comprendre la pathologie de la maladie et à concevoir de meilleurs traitements", déclare quant à lui, le professeur Lawrence Wilkinson, co-auteur de l’étude. "Notre travail avec le CYFIP1 est un exemple de la façon dont les connaissances génétiques peuvent guider la recherche sur les mécanismes biologiques sous-jacents aux dysfonctionnements", poursuit-il.
Forts de ces résultats, les scientifiques recherchent désormais des anomalies de myéline chez les personnes présentant une suppression de 15q11.2 à l'aide des installations de pointe de leur Institut. Ils veulent également comprendre le mécanisme précis en jeu afin de le corriger.
Il y a quelques jours, d’autres chercheurs ont fait parler d’eux en annonçant avoir découvert des différences entre les cerveaux de personnes issues de familles avec des antécédents de schizophrénie ou de troubles bipolaires. D’après leur étude, les proches de patients atteints de troubles bipolaires avaient des volumes inter-crâniens plus larges, tandis que les parents de schizophrènes avaient des volumes cérébraux plus petits comparés à des participants issus de familles sans antécédents de troubles mentaux. "Nos résultats suggèrent que le risque familial de ces troubles influence le développement du cerveau dès le début de la vie, et d'une manière différente", expliquaient-ils.