MRIdian. Vous avez peut-être entendu ce nom dans les médias ces derniers jours. Il s’agit de la machine de pointe avec laquelle Bernard Tapie a récemment été traité pour son double cancer de l’estomac et de l’œsophage. Fabriquée dans les années 2000 dans la Silicon Valley, cette machine révolutionnaire associe une imagerie embarquée de type IRM à un traitement de radiothérapie (par accélérateur de particules). Elle est arrivée en France il y a six mois à l’Institut Paoli-Calmette, à Marseille, où Tapie a été traité. Agnès Tallet, chef du service de radiothérapie de cet établissement privé à but non lucratif à la pointe de la technologie, nous en dit plus.
Si le traitement par radiothérapie en lui-même utilise le même procédé que d’habitude, là où cette machine diffère, c’est par l’imagerie embarquée. "L’IRM n’est pas irradiant et nous permet de voir extrêmement bien les structures qui sont en tissu mou. Avec un scanner classique, qui utilise un rayonnement en photons, le contraste n’est pas très important, voir médiocre. Il y a des choses que l’on voit mal donc on est obligé d’élargir nos marges de sécurité alors que là on voit très bien les contours de la tumeur. Et ce, sans avoir besoin d’y introduire des clips, une technique invasive qui consiste à mettre des fiduciaires dans la tumeur pour pouvoir la repérer sur le scan", explique-t-elle à Pourquoi Docteur.
Et de préciser : "On voit également mieux le contour des organes à risque qui sont autour. On va donc pouvoir les éviter : on réduit donc la quantité de tissu sain qui sera irradiée. Le faisceau ne tirera que quand la tumeur sera complètement dans le champs d’irradiation. Ainsi, on espère gagner en terme de toxicité et puis pourquoi pas augmenter la dose pour augmenter l’efficacité du traitement".
Une faible toxicité
Concernant les effets secondaires, aucune comparaison n’a encore été établie par rapport à d’autres traitements. En revanche, des résultats non publiés présentés au dernier congrès européen de radiothérapie par des équipes utilisant cette technologie depuis plusieurs années ont fait état de toxicité faible, rapporte Agnès Tallet.
Car si l’appareil est arrivé en France cette année (il vient également d’être installé dans l’Institut du Cancer de Montpellier et au centre Georges-François Leclerc de Dijon), il est utilisé aux Etats-Unis depuis bien plus longtemps. Mis au point en 2010, il a été utilisé pour la première fois à Saint-Louis dans le Missouri en 2014. Aujourd’hui, "une vingtaine de machines sont disponibles dans le monde", précise le Docteur Tallet. En Europe, outre la France, le MRIdian existe aux Pays-Bas, en Allemagne, au Danemark ou encore en Italie.
Pour être éligible à ce traitement intégralement pris en charge par la Sécurité sociale, le patient ne doit pas présenter de contre-indications : il ne faut pas qu’il ait de pacemaker ou qu’il soit claustrophobe par exemple. Il doit également souffrir d’une tumeur difficilement visible sur un scanner ou susceptible de se modifier d’un jour à l’autre.
Parmi elles, "toutes les tumeurs hépatiques, que ce soit des tumeurs primitives comme les métastases hépatiques, qu’on ne voit pas ou des tumeurs touchant au pancréas, à la prostate ou au col utérin", commente le Docteur Tallet. "Le bénéfice de l’imagerie embarquée est également très important pour les tumeurs qui peuvent se modifier entre deux séances ou qui régressent pendant la radiothérapie".
60 patients traités avec le MRIdian à Marseille
Pour l’heure, il est bien sûr encore trop tôt pour déterminer l’efficacité de la machine sur la survie des patients à long terme. L’Institut Paoli-Calmette n’ayant commencé à traiter des malades avec le MRIdian qu’il y a six mois (60 patients en ont bénéficié pour l’heure), le recul nécessaire n’est pas encore au rendez-vous. Par ailleurs, cette machine est très chère : 8,2 millions d’euros. Ainsi, pour une généralisation de cette technique, "il faudra qu’on communique sur ses avantages, s’ils se confirment", explique Agnès Tallet.
Les Etats-Unis commencent doucement à le faire. Et, "maintenant que nous avons aussi quelques machines en Europe, il va falloir colliger les résultats, et rendre compte du potentiel intérêt", poursuit-elle. Et de conclure : "En ce qui nous concerne, nous avons déjà pu observer un bénéfice évident en terme de qualité et de sécurité du traitement".