Touchant environ 900 000 personnes en France, la maladie d’Alzheimer est une maladie neurodégénérative liée à l’âge et qui affecte les fonctions cérébrales, en particulier la mémoire, l’attention et le langage. Les chercheurs ont depuis longtemps identifié l’une des causes sous-jacentes de la maladie d’Alzheimer : la formation de plaques de bêta-amyloïde, une protéine qui, quand elle s’accumule dans le cerveau, perturbe la communication entre les cellules neuronales et déclenche une inflammation, ce qui entraîne, à terme, une dégradation du tissu cérébral.
De nouveaux travaux de neuroscientifiques de l’Université de Chicago viennent toutefois de mettre en lumière un autre processus qui pourrait jouer un rôle dans le développement de la maladie. Dans une nouvelle étude publiée dans le Journal of Neuroscience, les chercheurs montrent que le processus de création de nouvelles cellules cérébrales, appelé neurogenèse, peut être perturbé par les propres cellules immunitaires du cerveau. Ce qui peut influencer l’évolution de la maladie.
Un processus de neurogenèse perturbé
De précédents travaux ont montré que certains types d'Alzheimer héréditaire précoce sont causés par des mutations dans deux gènes : préséniline 1 (PS1) et préséniline 2 (PS2). En étudiant le comportement de souris "saines" dans un environnement "enrichi" où elles pouvaient faire de l’exercice, jouer, et être en interaction, ces recherches antérieures avaient constaté que de très nombreuses cellules cérébrales se créaient alors dans l'hippocampe, la partie du cerveau où siège notre mémoire.
Toutefois, chez les souris porteuses de mutations PS1 et PS2, cet environnement enrichi n’avait aucune conséquence sur la création des cellules cérébrales et pouvait entraîner de l’anxiété, symptôme récurrent chez les personnes atteintes d’une forme précoce de la maladie d’Alzheimer.
Pour le Pr Sangram Sisodia, qui dirige les travaux, ces résultats suggèrent une origine génétique à la maladie d’Alzheimer, mais aussi que le processus de neurogenèse chez la souris, avec ou sans mutation d'Alzheimer, pouvait être influencé par d'autres cellules qui interagissent avec les cellules cérébrales nouvellement formées.
Une dysfonction de la microglie
Pour ces nouveaux travaux, les chercheurs se sont donc concentrés sur la microglie, un macrophage de cellules immunitaires (cellules gliales) qui réparent les synapses endommagées, détruisent les cellules mourantes et éliminent les protéines amyloïdes en excès.
Les chercheurs se sont aperçus qu’en donnant aux souris un médicament qui tuait ces cellules microgliales, la neurogénèse revenait à la normale chez les souris touchées par les mutations PS1 et PS2. Placées dans un environnement enrichi, elles ne présentaient alors plus de déficit de mémoire ou d’anxiété, et se sont mises elles aussi à créer de nouveaux neurones.
"C'est le résultat le plus étonnant pour moi", explique le Pr Sisodia. "Une fois que vous avez éliminé la microglie, tous ces déficits que vous voyez chez ces souris avec les mutations sont complètement restaurés. On se débarrasse d'un type de cellule, et tout est redevenu normal." Selon lui, la microglie inflammée par les plaques amyloïdes pourrait réagir de façon excessive lorsqu’elle rencontre des cellules cérébrales nouvellement formées avec des mutations de la préséniline, et les tuerait.
"J'étudie l'amyloïde depuis 30 ans, mais il se passe quelque chose d'autre ici, et le rôle de la neurogenèse est vraiment sous-estimé ", affirme le chercheur. "C'est une autre façon de comprendre la biologie de ces gènes qui, nous le savons, affectent significativement la progression de la maladie et la perte de mémoire."