Infirmiers pouvant réaliser certains actes médicaux, admission directe pour les personnes âgées, vidéo-assistance entre Ephad et Samu… Alors qu’un mouvement de grève secoue le secteur des Urgences publiques depuis près de six mois, Agnès Buzyn a dévoilé lundi 2 septembre son plan pour "améliorer la situation".
En visite au CHU de Poitiers, la ministre de la Santé a annoncé une série de "mesures qui fonctionnent, qui sont consensuelles (et) remontées du terrain" dans le cadre de la mission confiée en juin au chef du Samu de Paris, Pierre Carli, et au député (LREM) de Charente Thomas Mesnier. "On a besoin de trouver une solution de fond, pas juste de soigner le symptôme, cette fièvre ressentie au niveau de l’activité des urgences", a-t-elle déclaré, en attendant une deuxième série d’annonces la semaine prochaine. Ses promesses n'ont toutefois pas convaincu les principaux intéressés.
Pour "réduire au maximum les passages des personnes âgées » aux urgences, le ministère compte généraliser "des filières d’admission directe". A la clé, "une incitation financière, une forme de bonus aux hôpitaux qui (les) mettront en place", promet Buzyn qui souhaite également développer "une vidéo-assistance entre les Ehpad et le Samu" pour éviter des hospitalisations pour "pathologies bénignes". Pour désengorger les Urgences, la ministre promet en outre de s’appuyer sur les médecins libéraux. Ainsi, les Samu pourront envoyer une ambulance vers un cabinet de ville ou une maison de santé où une consultation et certains examens médicaux pourront avoir lieu sans avance de frais par les patients.
Afin d’améliorer la situation des personnels paramédicaux, ces derniers seront désormais autorisés à faire des nouveaux gestes, comme "prescrire de la radiologie ou faire des sutures". Cela leur permettra de toucher une "prime de coopération" de 80 euros net par mois. Enfin, à plus long terme, le nouveau métier d’infirmier de pratique avancée, avec des compétences élargies, sera étendu à la spécialité "Urgences" avec de premières formations à partir de l’automne 2020 et de premiers soignants diplômés en 2022.
Des mesures insuffisantes pour les grévistes
Mais ces annonces n’ont pas suffi à calmer la colère des grévistes. Concernant la régulation gériatrique, "le problème, c’est qu’il n’a pas de place en gériatrie. Il faudrait donc ouvrir des lits pour faire une passerelle entre les urgences et la gériatrie, tout comme la psychiatrie d’ailleurs", explique l’infirmière Anne-Claire Rafflegeau, membre du collectif Inter-Urgences, à l’origine du mouvement, citée par 20 Minutes.
Quant à la télésurveillance entre Samu et Ephad, il ne s’agit pas d’une priorité pour le collectif. "On peut s’appuyer sur la télémédecine, mais dans tous les cas, il manque des effectifs à la fois dans les Ehpad et dans les Samu. On peut faire fonctionner du matériel, mais s’il n’y a pas de personnel, ça n’ira pas loin !", s’exclame Anne-Claire Rafflegeau, rappelant par ailleurs qu’un patient âgé et malade pourrait avoir du mal à télé-consulter seul.
Et si le fait de former davantage les paramédicaux semble plaire aux grévistes, ils attendent plus de précision. "On est en sous-effectif partout et pour partir en formation, il faut être en effectif plein. C’est un cercle vicieux. Les infirmières en pratique avancée (IPA), formées pour travailler aux urgences, c’est une des pistes qui peut être évoquée. Mais on ne connaît ni les moyens, ni la rémunération qu’auront ces infirmières, ni leur rôle réel et le planning de ces formations", rappelle Rafflegeau, également perplexe quant à l’idée que le Samu puisse "jouer les taxis" pour amener des patients dans des cabinets privés.
Agnès Buzyn recevra "tous les acteurs du secteur" le 9 septembre
En conclusion, pour Inter-Urgences, qui réclame depuis six mois un moratoire sur les fermetures des lits, la valorisation des métiers et le recrutement de 10 000 paramédicaux sur le territoire, ces annonces ne sont que des "miettes".
Mais tout n’est pas fini. Agnès Buzyn a promis d’autres annonces la semaine prochaine et rencontrera le 9 septembre "tous les acteurs du secteur", des syndicats et fédérations hospitalières aux représentants des médecins libéraux en passent par des membres du collectif. En fonction de cette réunion, ce dernier organisera le lendemain son assemblée générale pour décider de la suite du mouvement qui pourrait continuer à grossir.
En effet, plusieurs organisations de médecins hospitaliers ou urgentistes ont annoncé lundi "rejoindre la mobilisation portée par ce collectif". "Il y a une convergence entre les personnels médicaux et paramédicaux", parce que "les difficultés des Urgences sont celles de l’hôpital public", a notamment expliqué Jacques Trévidic, président d’Action Praticiens Hôpital (APH), précisant toutefois qu’il ne s’agissait "pas d’un appel à la grève".
Le 11 septembre, enfin, une manifestation aura lieu, organisée par la CGT. "Cela fait des années que les Services Publics sont laminés par des réformes et des budgets qui détériorent leur fonctionnement et réduisent leur capacité à mener à bien leurs missions auprès de la population", écrit la confédération dans son tract, appelant à lutte.