L’odeur du citron nous rend beau, celle de la vanille un peu moins. D’après une nouvelle étude présentée ce jeudi 5 septembre à la 17e Conférence internationale sur l'interaction homme-machine (INTERACT 2019) qui se tient actuellement à Chypre, les différentes odeurs que nous sentons auraient un impact sur la façon dont nous nous percevons. A terme, ces résultats pourraient aider à mettre en place de nouvelles approches thérapeutiques pour soigner ceux qui souffrent de troubles de la perception corporelle ou à fabriquer des outils technologiques pour améliorer l’estime de soi.
Pour leur étude, des chercheurs de l'Université du Sussex, du Collège de Londres et de Carlos III de Madrid (UC3M) ont placé des participants devant un écran d’ordinateur tout en leur administrant des stimulants olfactifs. Ils leur ont ensuite demandé d’évaluer l’odeur perçue à l’aide d’une échelle visuelle analogique, la comparant à des formes pointues ou arrondies, chaudes ou froides, à un ton aigu ou grave et à des silhouettes corporelles fines ou épaisses.
Puis, ils les ont fait se tenir debout sur une planche de bois avec des écouteurs aux oreilles et une paire de détecteurs de mouvements. Ils leur ont demandé de marcher sur place tandis que des stimuli olfactifs étaient libérés. Les volontaires ont ensuite dû ajuster la taille d’un avatar tridimensionnel avec un outil de visualisation du corps en fonction de leur perception d’eux-mêmes. Ils ont également répondu à un questionnaire sur la vitesse, les sentiments corporels et les émotions ressentis.
Résultat des courses : les gens se sentent plus minces et plus léger quand ils sentent l’odeur d’un citron ! La vanille en revanche leur donne la sensation d’être plus épais et plus lourds...
Les perceptions du corps sont "continuellement mises à jour"
"Notre cerveau possède plusieurs modèles mentaux de l'apparence de notre propre corps qui sont nécessaires à des interactions réussies avec l'environnement", explique Giada Brianza, une étudiante au laboratoire Sussex Computer-Human Interaction (SCHI) qui a conduit l’étude. "Ces perceptions du corps sont continuellement mises à jour en réponse aux apports sensoriels reçus de l'extérieur et de l'intérieur du corps. Notre étude montre comment le sens de l'odorat peut influencer l'image que nous avons de notre corps dans notre esprit et sur les sentiments et les émotions que nous éprouvons à son égard", poursuit-elle.
"Nos recherches précédentes ont montré comment le son peut être utilisé pour modifier la perception corporelle. Par exemple, dans une série d'études, nous avons montré comment changer la hauteur des bruits de pas que les gens produisent lorsqu'ils marchent peut les rendre plus légers et plus heureux et aussi changer leur façon de marcher. Cependant, personne n'a encore examiné si les odeurs pouvaient avoir un effet similaire sur la perception corporelle", se félicite quant à elle Ana Tajadura-Jiménez de l'UC3M.
"Des recherches antérieures ont montré que le citron est associé à des silhouettes minces, des formes pointues et des sons aigus tandis que la vanille est associée à des silhouettes épaisses, des formes arrondies et des sons graves. Cela pourrait aider à expliquer les différentes perceptions de l'image corporelle lorsqu'elle est exposée à une gamme de stimuli nasaux", renchérit Marianna Obrist, professeure d'expériences multisensorielles et directrice du laboratoire SCHI de l'Université du Sussex.
La dysmorphie, mal en pleine vitesse depuis l’émergence des réseaux sociaux
A terme, pouvoir "influencer positivement cette perception (…) pourrait mener à des thérapies nouvelles et plus efficaces pour soigner les personnes atteintes de troubles de la perception corporelle", ou dysmorphie espèrent les chercheurs. Cela permettrait également de développer des vêtements interactifs ou des technologies capables d’améliorer la confiance en soi de ceux qui les portent.
La dysmorphie corporelle ou dysmorphobie se caractérise par une préoccupation démesurée concernant un défaut de l’apparence physique, réel ou imaginaire. Les personnes qui en souffrent sont complètement obsédées par ce "défaut", à tel point que cela peut handicaper leur vie sociale ou professionnelle. En effet, elles ont tendance à passer des heures à s’examiner devant le miroir, s’isolant de plus en plus. Certaines demandent fréquemment à leurs proches de les rassurer sur leur apparence mais leur soulagement est temporaire.
Si on entend de plus en plus parler de ce phénomène, c’est parce que'il aurait pris de l’ampleur ces dernières années en raison de l’augmentation des selfies, des réseaux sociaux et des images retouchées à coups de filtre Snapchat et Photoshop. De nombreuses célébrités, allant de Kim Kardashian à la chanteuse Cœur de Pirate en passant par Lili Reinhart, la star de la série pour ados Riverdale, ont d’ailleurs récemment annoncé souffrir de ce mal dans les médias.
Voir ci-dessous une vidéo présentant l'étude en anglais :