Une population en augmentation mais vieillissante, de plus en plus de prévention, une innovation qui s'accélère, des traitements et modes de prise en charge des patients qui suscitent beaucoup d'espoirs, mais aussi beaucoup d'interrogations sur la capacité de notre système de santé français à suivre ces évolutions : tels sont les grands chapitres d'un document réalisé par le LEEM, syndicat de l'industrie pharmaceutique, pour dessiner, dix ans à l'avance, ce que sera notre santé en 2030.
30 experts, parmi les plus reconnus dans leur discipline, ont participé à la réalisation de ce travail prospectif. "L'augmentation rapide de la population -mais aussi son vieillissement-, une capacité d'innovation inédite avec l'arrivée de l'intelligence artificielle et un pacte social français qui veut que chacun soit traité de façon optimale quelle que soit sa maladie : nous sommes en présence d'une belle équation et il est important que l'on s'en préoccupe", a souligné Frédéric Collet, président du LEEM, au cours de l'émission "La Santé en Questions" animée par le Dr Jean-François Lemoine et visible sur la chaîne YouTube de Pourquoi Docteur.
Analyse des données, prévention, diagnostics précoces
Quels sont, plus en détail, les grands enseignements à tirer de ce document ? D'abord, notamment grâce aux développement de nouvelles technologies, et particulièrement celles qui reposent sur l'utilisation et l'analyse des données, une généralisation attendue, au-delà des actions de prévention, des diagnostics précoces, particulièrement utiles pour de meilleurs résultats dans la prise en charge des maladies graves comme le cancer.
"Aujourd'hui, dans le cancer du poumon, nous sommes dans 60 à 70% des c as en présence de tumeurs avancées. Grâce à un meilleur dépistage -par exemple avec la mise au point de la biopsie liquide-, nous devrions avoir demain une proportion beaucoup plus importantes de tumeurs qui seront restées localisées, cela changera radicalement la stratégie thérapeutique", explique le Professeur Nicolas Girard, pneumologue et oncologue, qui imagine que sa spécialité disposera d'ici 10 ans de traitement plus efficaces. "On va avancer dans la connaissance et la compréhension du génie évolutif des tumeurs, et on va le suivre pour adapter les traitements", affirme-t-il.
"Des traitements beaucoup plus ciblés"
"Nous allons connaître une évolution en profondeur de la manière dont on traitera les patients", confirme le Professeur Gilles Vassal, directeur de recherche clinique à l'Institut Gustave Roussy. "La donnée, c'est l'avenir, elle en est un élément structurant", ajoute-t-il en expliquant comment elle permettra, notamment, de réaliser une mesure beaucoup plus fine des traitements et de déterminer les meilleures stratégies thérapeutiques. "Avant on avait la chimiothérapie, aujourd'hui nous disposons de traitements beaucoup plus ciblés, demain, nous aurons des moyens d'action qui seront adaptés à la vie d'une tumeur".
"On va passer au sur-mesure et augmenter l'espoir !", renchérit Philippe Lamoureux, directeur général du LEEM, qui voit aussi apparaître dans les 10 ans à venir une plus grande collaboration entre toutes les professions de santé et un décloisonnement de leurs pratiques.
Une évolution du rôle de tous les acteurs
D'autres pistes d'amélioration de la prise en charge dans de nombreuses maladies sont abordées dans ce document du LEEM, mais également des innovations qui ont radicalement changer le rôle de tous les acteurs, y compris les patients qui devraient être de plus en plus impliqués et responsabilisés dans leur parcours de soins.
Parcours de soins dont l'amélioration, pour l'économiste Nicolas Bouzou, peut également être une source d'économies et de gains de productivité. Parce que ce travail prospectif du LEEM sur la santé en 2030 n'évite pas le sujet qui fâche, l'éternelle question des moyens, alors que l'équilibre attendu des comptes de la Sécu vient une nouvelle fois d'être renvoyé à plus tard.
"La santé, un terrain d'investissement"
"L'innovation coûte cher, mais nous devons être capables de payer cela à tous les Français pour lesquels la santé est la préoccupation numéro un !", précise-t-il en évoquant de nécessaires économies afin de permettre à l'Etat de disposer de marges de manoeuvre en matière d'investissement. Une position qui rejoint celle des dirigeants du LEEM : "La santé doit en effet être considérée non pas comme un coût mais comme un terrain d'investissement !", affirme ainsi Frédéric Collet.