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Nouvelle perspective

Maladie de Charcot : un tournant dans la compréhension du mécanisme de la SLA

Par Raphaëlle de Tappie

Grâce à la mutagenèse profonde, des scientifiques espagnols ont découvert que, contrairement à ce que l'on pensait, l'agrégation protéique que l'on constate chez les malades atteints de sclérose latérale amyotrophique (SLA) protégeait en fait les cellules. 

ChiccoDodiFC/iStock

La sclérose latérale amyotrophique (SLA), plus connue sous le nom de la maladie de Charcot est une maladie dégénérative grave et handicapante. Cette affliction incurable du système nerveux attaque les cellules nerveuses du cerveau et de la moelle épinière, conduisant à une perte de contrôle musculaire. Elle affecte également la phonation et la déglutition. Le diagnostic a lieu entre 50 et 70 ans et, généralement, trois à cinq ans plus tard, l’issue en est fatale, le plus souvent à cause de l’atteinte des muscles respiratoires. A l’heure actuelle, on sait que la SLA est familiale chez 10% des malades. Dans ces cas là, on soupçonne une origine génétique. Lorsque la maladie touche des personnes sans risque génétique, elle est dite sporadique. "Ces cas sont vraisemblablement liés à la mutation aléatoire (et non transmise) d'un gène causal ou d'un ou plusieurs gènes de susceptibilité (qui augmenteraient le risque de survenue de la maladie)", note l’Inserm sur son site. Concernant l’environnement, le tabac, le sport de haut niveau, les pesticides, les métaux lourds et la cyanotoxine BMAA que l'on retrouve dans certaines algues, sont suspectés être des facteurs de risque.

Et si les scientifiques savent depuis longtemps que des agrégats protéiques spécifiques sont des caractéristiques de la maladie, ils ignorent encore s’ils en sont vraiment à l’origine. Afin de mieux répondre à cette question, en Espagne, des chercheurs du Centre de Régulation Génomique (CRG) et de l'Institut de Bioingénierie de Catalogne (IBEC) ont mis en place une nouvelle méthode appelée mutagenèse profonde. Ils ont ainsi découvert que contrairement à ce qu’avançaient de nombreuses hypothèses, l’agrégation protéique en question n’était pas une mauvaise chose : elle protégerait en fait les cellules, comme le révèle un communiqué paru le 20 septembre sur le site du CRG.

Pour leur recherche, les scientifiques se sont concentrés sur le TDP-43, une protéine qui s'agrège dans les motoneurones de presque tous les patients atteints de SLA. Ils ont fabriqué plus de 50 000 mutations du TDP-43 et ont étudié leur toxicité sur des cellules de levure. Ils ont ainsi pu observer que les formes mutantes qui s’agrégeaient étaient moins toxiques que d’autres versions de la protéine qui formaient plutôt des espèces liquides inhabituelles dans les cellules.

"Le contraire de ce à quoi nous nous attendions"

"C'est exactement le contraire de ce à quoi nous nous attendions", explique le Professeur Ben Lehner. Ainsi, l’agrégation du TDP-43 protégerait les cellules. Cette découverte change complètement notre compréhension de la maladie et ouvre la porte à des approches thérapeutiques complètement différentes.

"En étudiant toutes les mutations possibles d'une protéine, nous disposons d'un moyen beaucoup plus fiable de comprendre la toxicité et nous sommes ravis d’étudier désormais beaucoup plus de protéines impliquées dans les maladies neurodégénératives", se félicite Benedetta Bolognesi, chercheuse à l'IBEC, ancienne du CRG et auteure principale de cet article.

Et le communiqué de conclure : "il reste encore à déterminer si l'agrégation du TDP-43 protège également les cellules et les neurones des mammifères, ce sur quoi Bolognesi travaille, mais si c'est le cas, cela signifie que nous devrons changer complètement notre façon de traiter la SLA si nous voulons obtenir des effets significatifs".