ACCUEIL > QUESTION D'ACTU > Antibiorésistance : la clé dans le thé vert ?

Super antioxydant

Antibiorésistance : la clé dans le thé vert ?

Par Raphaëlle de Tappie

Alors que l'on s'interroge régulièrement sur les bienfaits du thé vert, des scientifiques anglais assurent qu'il permettrait d'éliminer les bactéries résistantes aux antibiotiques grâce à sa forte teneur en épigallocatéchine, un antioxydant.

CHIOCIOLLA/ISTOCK

Décidemment, le thé vert n’a pas fini de faire parler de lui. Récemment, le World Cancer Research Fund (WCRF) et l'American Institute for Cancer Research (AICR) ont publié des rapports assurant que les effets positifs du thé vert sur la santé étaient bien trop surestimés et qu’il n’avait aucun pouvoir anti-cancer, ni en prévention, ni en soin. Il n’a pas non plus été sérieusement prouvé que ce breuvage augmentait l’efficacité des médicaments, assuraient les experts. Aujourd’hui toutefois, des scientifiques de l'Université de Surrey (Royaume-Uni) montrent qu’il pourrait aider à éliminer les bactéries résistantes aux antibiotiques grâce à sa forte teneur en épigallocatéchine, un antioxydant. L’étude est parue dans le Journal of Medical Microbiology

Pour en arriver à cette conclusion, les chercheurs se sont concentrés sur l’'épigallocatéchine (EGCG) et l’aztréonam, régulièrement utilisés pour traiter les infections causées par la bactérie pathogène Pseudomonas aeruginosa. Ces dernières années, celle-ci est devenue résistante à de nombreuses classes d’antibiotiques. Aussi, si on combine désormais plusieurs antibiotiques pour venir à bout de ces infections, celles-ci sont de plus en plus difficiles à traiter.

Au cours de leur étude, les chercheurs ont effectué des tests in vitro pour analyser comment l’EGCG et l’aztréonam interagissaient avec P. aeruginosa, individuellement et en combinaison. Ils ont ainsi constaté que la combinaison était beaucoup plus efficace pour réduire le nombre de bactéries pathogènes que les deux agents isolés.

L'EGCG pourrait faciliter l'absorption accrue de l'aztréonam

En étudiant cette activité synergique sur des larves d'un papillon de nuit, ils ont également pu observer que les taux de survie étaient plus élevés chez les bêtes traitées par cette association que chez celles traitées par EGG ou aztréonam seul. Qui plus est, une toxicité minime ou nulle a été observée dans les cellules cutanées humaines et chez les larves en question.

Ainsi, chez P. aeruginosa, l'EGCG pourrait faciliter l'absorption accrue de l'aztréonam en augmentant la perméabilité des bactéries, avancent les chercheurs. Ils évoquent également une possible interférence de l’EGCG dans une voie biochimique liée à la sensibilité aux antibiotiques.

"La résistance aux antimicrobiens (RAM) est une menace sérieuse pour la santé publique mondiale. Sans antibiotiques efficaces, le succès des traitements médicaux sera compromis. Il est urgent de développer de nouveaux antibiotiques dans la lutte contre la RAM. Les produits naturels tels que l'EGCG, utilisés en combinaison avec des antibiotiques actuellement autorisés, peuvent être un moyen d'améliorer leur efficacité et leur durée de vie cliniquement utile", explique le Dr Jonathan Betts, chercheur principal à l'École de médecine vétérinaire de l'Université de Surrey, auteur principal de l’étude.

Combiner des produits naturels et des antibiotiques déjà utilisés   

"L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a classé Pseudomonas aeruginosa résistant aux antibiotiques comme une menace critique pour la santé humaine. Nous avons montré que nous pouvons éliminer avec succès de telles menaces grâce à l'utilisation de produits naturels, en combinaison avec des antibiotiques déjà utilisés. Le développement de ces alternatives pourrait permettre leur utilisation en milieu clinique à l'avenir", avance quant à lui le professeur Roberto La Ragione, chef du département de pathologie et des maladies infectieuses de l'École de médecine vétérinaire de l'Université du Surrey.

Ces dernières années, l’antibiorésistance est devenue un véritable enjeu de santé publique. En 2014, dans un rapport de surveillance effectué sur 114 pays, l’OMS a dressé un constat alarmant : des infections bénignes pourraient tuer à nouveau faute d'antibiotiques efficaces. De nombreuses études sont donc régulièrement menées sur le sujet.

Cet été, des chercheurs de l’université de Caroline du Nord aux États-Unis ont montré que modifier un médicament déjà existant pourrait permettre de mettre au point un produit plus fort, capable d’attaquer des bactéries antibiorésistantes.