Dans le monde, 1,9 milliards d’adultes sont obèses (IMC égal ou supérieur à 30). Pour éviter les problèmes de santé associés à cette affliction tels que les maladies cardiovasculaires ou encore le diabète de type 2, de nombreux malades se voient proposer des chirurgies bariatriques. Il s’agit d’une opération consistant à restreindre l'absorption des aliments, diminuant, de fait, l'apport calorique journalier. Cette technique est lourde et risquée. Aussi, les personnes qui suivent une intervention de cette nature doivent rencontrer un endocrinologue, un chirurgien, un psychiatre ou psychologue et un diététicien-nutritionniste, avant et après l’acte chirurgical. Malheureusement, la qualité du suivi varie en fonction des équipes et on assiste souvent à un non-respect des protocoles et des contre-indications, conduisant à des complications physiques et/ou psychologiques chez les patients. On a par exemple repéré que de nombreux malades ayant subi ce genre d’intervention avaient tendance à tomber dans l’alcool, peut-être en raison d’un transfert de dépendance.
Aux Etats-Unis, pays particulièrement concerné par l’obésité (deux adultes sur cinq en sont atteints), un protocole, connu sous le nom de programme de récupération assistée (PRA), a été mis en place depuis une vingtaine d’années. Et, selon une étude à grande échelle parue dans la revue Surgery for Obesity and Related Diseases, cette technique aurait permis de réduire de près de la moitié les taux d’hospitalisation prolongée après une chirurgie bariatrique.
Lors de cette étude, les chercheurs ont comparé les résultats de 8 946 opérations bariatriques avant la mise en oeuvre du protocole avec 9 102 opérations après. Et les scientifiques ont mesuré 26 méthodes différentes ayant pour objectif d’améliorer les résultats après des opérations de pertes de poids. Ils ont ainsi pu constater que le taux de séjour de plus de quatre jours à l’hôpital après hospitalisation était passé de 8,1% avant PRA à 4,5% après. "Ce résultat a été obtenu sans augmenter les taux de réadmission", expliquent les chercheurs. Dans les centres qui se sont conformés à au moins 23 des 26 mesures du processus PRA, ce taux descendait même à 2,3 %, contre 5,4 % chez ceux qui avaient suivi 19 ou 20 mesures.
"La principale conclusion de cette étude est que plus un programme adhérait à toutes les mesures du protocole, plus la réduction de la durée du séjour prolongé de leurs patients était importante", note donc Stacy A. Brethauer, MD, FACS, professeur de chirurgie à l'Ohio State University, Columbus, auteur principale d l’étude.
Eviter les opioïdes au maximum
Dans le détail, les PRA ont pour but de maintenir l’état physiologique normal du patient autant que possible tout au long de l’opération et du processus de rétablissement. "Cet objectif est atteint en permettant aux patients d'arriver pour une intervention chirurgicale dans un état physiologiquement " nourri " après avoir bu une boisson glucidique deux heures avant l'intervention, en minimisant la surcharge liquidienne pendant et après l'intervention, en maintenant un contrôle serré de la glycémie, en appliquant des stratégies multimodales de gestion de la douleur qui permettent aux opioïdes de réduire au minimum le stress émotionnel et physique qui peut accompagner une opération majeure", explique le Dr Brethauer.
Le protocole élimine également les sondes et les cathéters urinaires, il encourage l’activité juste après l’opération et les médicaments non-opioïdes pour traiter la douleur. "L'utilisation systématique d'analgésiques contrôlés par le patient avec des opioïdes n'était pas autorisée", rappelle Brethauer.
"L'éducation des patients est essentielle à la réussite d'un programme de rétablissement amélioré (…). Il est important d'établir des attentes et de décrire les stratégies de gestion de la douleur qui épargnent les opioïdes aux patients avant l'intervention chirurgicale et de les aider à comprendre leur rôle dans leur rétablissement", poursuit-il.
"Toutes ces mesures améliorent le rétablissement en réduisant les nausées, l'iléus postopératoire (obstruction intestinale) et les autres effets indésirables liés aux opioïdes. De plus, comme moins de patients sont exposés aux opioïdes après une opération bariatrique, il y aura probablement moins de patients qui deviendront dépendants et qui continueront à consommer des opioïdes après leur période de rétablissement".
Mettre cette technique en œuvre à grande échelle
Au vu des résultats de cette étude, Brethauer encourage tous les centres accrédités à adopter des protocoles de récupération assistée dans leur pratique chirurgicale. "Le rétablissement amélioré peut et devrait être mis en œuvre à grande échelle en chirurgie bariatrique dans le but de réduire les variations dans les soins, d'éliminer les pratiques qui ne sont pas fondées sur des données probantes et d'améliorer les résultats cliniques", explique-t-il.
Le prochain projet national du genre se concentra sur la prescription d’opioïdes après une chirurgie bariatrique. "Ce projet impliquera beaucoup plus de centres, et des stratégies d'économie d'opioïdes à l'hôpital et au congé seront mises en œuvre et mesurées pendant un an dans l'espoir de réduire l'exposition de nos patients aux opioïdes et de minimiser le nombre de prescriptions d'opioïdes dans la communauté", explique le Dr Brethauer alors qu’aux Etats-Unis, pays ravagé par la crise des opiacés, 130 personnes meurent d’une overdose tous les jours.
En France, la HAS très prudente sur le sujet
En France, d’après le ministère de la Santé "plus de 500 décès par surdose, dont près de 80% en lien avec les opioïdes recensés en 2017, auraient pu être évités". Ces dix dernières années, la prescription d’opioïdes forts (oxycodone, morphine, fentanyl), a augmenté de 150% en dix ans en France. Toutefois, nous sommes encore loin de la crise que subissent les Etats-Unis.
En revanche, l’obésité est un problème de plus en plus présent. Dans l’Hexagone, la proportion des personnes obèses est passée de 8,5% à 14,5% entre 1997 et 2009. Aussi, la chirurgie bariatrique connaît un développement sans précédent dans le pays. D’après le site Ameli, 240 000 interventions auraient été réalisées entre 2006 et 2014. Mais en raison des possibles dangers de cette chirurgie, la Haute Autorité de Santé (HAS) tient à ce qu’elle soit réservée aux obésités morbides (indices de masse corporelle supérieur à 40) ou aux personnes ayant un IMC de 35 et plus et en danger à cause de leur excès de poids. Par ailleurs, cette intervention ne devrait être pratiquée qu’après l’échec d’autres moyens, notamment diététiques, rappelle la HAS. Il y a quelques jours, elle s'est d'ailleurs prononcée contre le remboursement du bypass, la technique la plus utilisée lors de cette opération.