Chaque année en France, le cancer du sein touche 54 000 femmes et en tue 11 886. Si l’âge moyen du diagnostic est de 63 ans, près de 3 000 femmes diagnostiquées tous les ans ont moins de 40 ans, ce que la plupart des gens ignorent. C’est pourquoi, à l’occasion de la campagne annuelle de lutte contre le cancer du sein, Octobre Rose, qui débute le 1er octobre, l’institut Curie tient à informer les Françaises sur les risque chez les jeunes femmes. Dans un communiqué paru le 20 septembre, le premier centre européen de prise en charge des cancers du sein déplore la méconnaissance du grand public "voire des professionnels de santé" des signes de cancers du sein chez les moins 50 ans qui, contrairement à leurs aînées, ne bénéficient pas du dépistage automatique.
Le mot cancer est, à tout, souvent associé aux personnes ayant dépassé la cinquantaine. Aussi, il arrive souvent que des jeunes femmes ne s’inquiètent pas de grosseurs inhabituelles dans leur poitrine ou refusent d’y penser. "Si les tumeurs bénignes sont les anomalies mammaires les plus fréquentes chez la femme jeune, le cancer du sein existe aussi avant 40 ans. Il faut donc être vigilant face à toute anomalie survenant au niveau des seins, quel que soit l’âge", alerte pourtant le Dr Florence Coussy, gynéco-oncologue à l’Institut Curie.
En dehors de la génétique (prédispositions liées à des mutations des gènes BRCA), les facteurs de risque principaux pour les jeunes femmes sont des causes hormonales. Ces dernières sont liées à une première grossesse tardive et à des règles précoces, ce qui augmente donc la période d’imprégnation hormonale et par conséquent les risques de cancer du sein.
"De multiples autres facteurs s’additionnent et ne sont pas spécifiques aux femmes jeunes : manque d’activité physique, surpoids, environnement, tabac, alcool… ", explique le Pr Jean-Yves Pierga, chef du Département d'oncologie médicale à l’Institut Curie. Mais "les femmes jeunes, qui consomment davantage d’alcool qu’auparavant n’ont pas forcément conscience qu’il s’agit d’un facteur de risque", précise-t-il, ajoutant que l’alcool augmenterait le taux d’oestrogènes jouant un rôle dans le développement des cellules du cancer du sein.
Bientôt un dépistage personnalisé?
Il est par ailleurs régulièrement prouvé par la science que, comme pour beaucoup de maladies, adopter une bonne hygiène de vie (faire de l’activité physique, manger équilibré ou encore réduire sa consommation d’alcool) diminue les risques de développer un cancer du sein.
Afin de donner un "nouvel élan" au dépistage du cancer du sein, l’Union européenne vient d’ailleurs de financer le lancement d’une nouvelle étude. Cette dernière sera conduite pour comparer une stratégie de dépistage personnalisé en fonction du risque au dépistage standard actuellement en vigueur. L’essai va être mené auprès de 85 000 volontaires âgées de 40 à 70 ans recrutées en France, en Belgique, en Israël, en Italie et au Royaume-Uni. Ces participantes seront réparties en deux groupes.
Le premier suivra le dépistage standard du cancer du sein en vigueur dans leur pays (une mammographie tous les deux ans en France) tandis que le second fera partie du dépistage personnalisé. Ce dernier, basé sur le risque individuel de cancer du sein, sera constitué d’un test salivaire pour identifier le risque génétique et d’une visite de communication pour informer des risques. Un calendrier de dépistage personnalisé sera alors remis à la patiente. Si le risque est bas, cette dernière se verra proposer une mammographie tous les quatre ans. S’il est modéré, on lui suggèrera de subir cet examen tous les deux ans, tous les ans en cas de risque élevé et tous les ans accompagné d’une IRM jusqu’à 60 ans en cas de très haut risque.
"L’idée est de proposer un dépistage, non plus en fonction de l’âge, mais en fonction du risque individuel de développer un cancer du sein", explique l’Institut Curie. L’objectif étant donc de "proposer une surveillance adaptée à chacune".
Un diagnostic plus tardif quand la maladie se déclare pendant une grossesse
En effet, être suivi médicalement et informé des risques existants est capital pour éviter un diagnostic tardif. Car, comme dans tous les cancers, être pris en charge tardivement diminue les chances de survie des femmes atteintes du cancer du sein, surtout pour celles atteintes d’un cancer du sein triple négatif, le plus agressif. Or, ce dernier, qui représente 15 à 20% des cas de cancers du sein, est sureprésenté avant l’âge de 40 ans, met en garde Curie. Mais les femmes jeunes sont surtout touchées par les formes hormonsensibles du cancer du sein. "Le traitement hormonal peut prendre une forme plus spécifique, le type d’hormonothérapie étant adapté au statut ménopausée ou non de la patiente", explique Florence Coussy.
Enfin, les femmes atteintes d’un cancer du sein avant 40 ans peuvent être enceintes au cours de leur maladie, ce qui complique encore un peu plus la situation. "Leur diagnostic est plus tardif (les seins évoluant pendant la grossesse, on ne fait pas toujours le lien avec une tumeur) et les formes agressives sont surreprésentées", notent les spécialiste.
Rappelons toutefois, que le cancer du sein est aujourd’hui plutôt de bon pronostic pour les femmes jeunes. Le taux de survie des moins de 45 ans est ainsi estimé à 90% à cinq ans. Au niveau global, tout n’est pas si sombre non plus. Après avoir doublé entre 1980 et 2005, l’incidence du cancer du sein semble aujourd’hui en phase de stabilisation. Par ailleurs, la mortalité n’a pas augmenté depuis les années 80 et, à l’heure actuelle, plus de trois cancers du sein sur quatre sont guéris.