Après les maladies cardiovasculaires, les cancers sont la deuxième cause de décès chez les femmes dans le monde. En 2014, la maladie a provoqué 14% de l’ensemble des morts. En France, le cancer du sein est le plus répandu (54 062 nouvelles personnes diagnostiquées chaque année) et aussi le plus mortel (11 886 décès par an). Alors qu’Octobre Rose vient de démarrer avec pour but d’inciter France les femmes de 50 à 74 ans à participer à une campagne de dépistage organisé, d’informer le grand public sur cette maladie et de financer la recherche, l’Institut Curie présente des résultats prometteurs sur le sujet. En début de semaine, lors d’un congrès international organisé à Paris, les chercheurs ont communiqué sur leur étude Kdog, qui met les chiens à contribution. Car d’après les scientifiques, le cancer du sein serait détectable grâce à l’odorat du meilleur ami de l’homme.
"La tumeur émet certains composés volatiles odorants", explique Isabelle Fromentin, infirmière docteur en sciences, à l'origine de ce projet, citée par RTL. "On n'en connait pas encore la signature chimique, mais c'est cela que les chiens réussissent à repérer dans nos prélèvements. Honnêtement, on est dans des seuils extrêmement bas. Pour vous dire, avec nos gros appareils de chimie analytique, on n'arrive pas à les trouver".
En 2016, un premier test réalisé sur 130 volontaires, malades ou non, a validé la preuve de ce concept, est-il expliqué sur le site de Curie. Lors d’une consultation à l’Institut, les femmes ont reçu le kit Kdog contenant un savon sans odeur, une lingette et un bocal. Après s’être douchées, les femmes ont dû positionner une simple lingette sur chaque sin et dormir toute une nuit avec. Constituées de coton classique, les lingettes absorbent la sueur de la volontaire contenant éventuellement l’odeur caractéristique de la tumeur, indétectable pour l’homme. Puis, pendant six mois, deux malinois ont été entraînés à des exercices de mémorisation pour reconnaître cette odeur et le manifester.
100% de taux de réussite au deuxième passage
Au cours de leurs expériences, les chercheurs ont placé des chiens dressés devant des bocaux. A l’intérieur de chaque bocal, une compresse imprégnée de sueur. "Dans les bocaux avec une pastille verte, on a un échantillon négatif, c'est-à-dire un prélèvement de sueur d'une personne qui n'a rien. Dans le bocal avec une pastille rouge, c'est une personne où on a vu quelque chose dans une mammographie de moins de 6 mois et donc c'est un échantillon positif", explique le dresseur Didier Valentin à RTL.
D’après lui, l’animal détecte en quelques secondes l'échantillon positif sur les 4 qui lui sont présentés. "Il va d'un bocal à l'autre, il met le nez dedans. S'il n'y a rien, il passe à l'autre. Quand il insiste dessus et qu'il s’assoit, on a la confirmation que c'est bon". À chaque bonne réponse, le chien est récompensé par une croquette ou une balle. C’est ainsi qu’après un premier passage à 90,3% de taux de réussite sur les 130 échantillons présentés, les chiens ont ensuite réussi à détecter à 100% les 79 tissus imbibés par la sueur de femmes souffrant d’un cancer du sein.
Mais les chiens pourront-ils réaliser cet exploit de façon constante, régulière et sur un grand nombre de personnes ? Afin de s’en assurer, les chercheurs s’apprêtent à lancer une étude clinique de deux ans portant sur 450 volontaires, dont la moitié sera atteinte d’un cancer du sein et recevra le kit Kdog. Elles seront suivies dans cinq hôpitaux et deux cabinets de radiologie. Au démarrage de l’étude, elles devront passer une mammographie et une biopsie avant le dépistage par l’odorat du chien puis six mois à un an après.
Mettre au point un test indolore, non invasif et peu coûteux
"S’il n’y a rien sur les premiers clichés, mais que le chien montre qu’il y a quelque chose et que son intuition est confirmée par la deuxième salve d’imagerie, alors on pourra supposer que le chien avait détecté une tumeur avant la machine", explique Pierre Bauër, chef du projet à Curie, à 20 Minutes. "Au début de nos recherches, beaucoup se montraient sceptiques. Aujourd’hui, ce n’est pas une idée ubuesque. D’ailleurs, nous avons obtenu un financement du ministère de la Santé pour lancer l’étude clinique", précise-t-il.
"Si on prouve que ce dépistage grâce à l’odorat canin fonctionne, on pourra à l’avenir le proposer comme un pré-test. Cela ne va pas remplacer la mammographie (…) L’idée, c’est plutôt qu’on ait suffisamment confiance dans le chien pour suivre son avis : s’il dit qu’il n’y a rien, vous ne faites aucun examen médical. Ce qui n’est pas anodin", poursuit-il, rappelant qu’en France, beaucoup de femmes ne font pas de mammographies parce qu’elles ont peur, qu’elles sont en situation de handicap ou vivent dans des sert médicaux.
L’objectif est donc de proposer, d’ici 4 à 5 ans, une alternative peu coûteuse, indolore, non invasive et fiable. "Il suffira à une femme de porter un morceau de tissu pendant quelques heures sur son sein avant de l’envoyer à un laboratoire où les chiens passeront au test du dépistage", explique Isabelle Fromantin sur le site de Curie.
Le dépistage canin également étudié pour d’autres types de cancer
Cette méthode "permettrait sans doute d’améliorer considérablement le dépistage du cancer du sein", espère Bauër. D’après lui, cela pourrait encore plus servir aux pays du Sud, en manque de médecins et où les outils de diagnostic font souvent défaut. "Nous ouvrons d’ailleurs un centre d’entraînement de chiens Kdog à Petropolis, au Brésil. Aujourd’hui, dans ce pays, il faut des mois d’attente pour avoir accès à la mammographie. Il y a énormément de cancers du sein qui sont diagnostiqués trop tard", explique-t-il à 20 Minutes.
Cette technique de dépistage canin pourrait également changer la donne pour encore d’autres cancers que celui du sein. "D’autres équipes travaillent en Nouvelle-Zélande, au Mexique, au Chili, aux Etats-Unis sur d’autres types de cancers (poumon, prostate, ovaires…), mais aussi différents types d’échantillon (urine, air, selles…), et diverses méthodes d’entraînement des chiens", précise Bauër qui a par ailleurs noué un partenariat avec l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN), spécialiste dans l’analyse des scènes de crimes, notamment grâce au prélèvement des odeurs.
"On va leur donner des échantillons de sueur qui vont passer dans des appareils de chimie analytique, pour voir si certaines molécules sont caractéristiques du cancer du sein. Avec pour ambition, un jour, de créer un nez électronique, qui serait encore une autre manière de dépister. Comme un alcootest, mais pour le cancer. Mais attention, cela va prendre énormément de temps", prévient-il.
Si vous souhaitez participer à l’essai clinique KDog, écrivez à contact@kdog.fr.