Deux Américains et un Britannique ont été distingués par le jury suédois pour leurs travaux sur la façon dont les cellules s’adaptent à la disponibilité de l’oxygène. Ces découvertes sont fondamentales et offrent des perspectives dans le traitement de nombreuses pathologies. Les travaux de ces trois chercheurs, Willialm Kaelin, Gregg Semenza et sir Peter Ratcliffe dont les publications leur valent d’être distingués aujourd’hui, datent des années 1990-2000. Ceux-ci ont permis de comprendre comment l’organisme s’adapte aux variations de la disponibilité en oxygène. Plus spécifiquement, ils ont résolu le mystère du mécanisme moléculaire à l'origine de l'adaptation à l'hypoxie.
Nous savons depuis des siècles que l’oxygène est essentiel au fonctionnement du corps humain. En revanche, la manière dont notre corps s’adapte aux variations de cette molécule si nécessaire était encore mystérieuse jusqu’aux travaux des trois lauréats du prix Nobel de médecine grâce auxquels nous en savons plus sur la façon dont les différents niveaux d'oxygène régulent les processus physiologiques fondamentaux.
En haute altitude, l’oxygène est plus faible qu’ailleurs. En réaction, des cellules vont libérer des doses d’érythropoïétine (EPO), une hormone -bien connue des "sportifs" puisque c'est elle qui a été utilisée dan des cas de dopage- qui entraîne une augmentation de la production d’érythrocytes, les globules rouges, ce qui permet d’adapter le corps au manque régulier d’oxygène. L’organisme est ainsi capable, au niveau cellulaire, de s'adapter à un changement d’oxygénation. En dehors de l’environnement, le corps lui-même peut affaiblir son approvisionnement en oxygène, par exemple en cas d’exercice physique mais aussi dans certaines pathologies.
Les facteurs induit par l’hypoxie viennent se lier aux segments ADN identifiés
Au cœur de la découverte des scientifiques récompensés, les facteurs de transcription HIF (hypoxia inducible factors, ou facteurs induits par l’hypoxie). Un « facteur de transcription » est une protéine qui régule la transcription d’un gène. En l’occurrence, le HIF agit sur l’expression génétique des tissus en cas de baisse ou de manque d’oxygène.
Comme on l’a dit pour l’environnement de haute altitude, une situation d’hypoxie (manque ou absence d’oxygène) génère l’augmentation de l’EPO. En expérimentant sur des souris génétiquement modifiées, Gregg Semenza a découvert des segments ADN précis reliés à l’EPO et qui servent de médiateurs pour répondre à l’hypoxie. Il s’est rendu compte que la régulation de l’oxygène dans toutes les cellules du corps se faisait grâce à deux protéines bien spéciales, “HIF-1α” et “ARNT”, ainsi qu’à un gène nommé VHL. Elles viennent se lier à ces segments ADN identifiés. C’est cet ensemble de protéines qu’il a appelé « facteurs induit par l’hypoxie » (HIF). Quand les cellules manquent d’oxygène, le nombre de protéines HIF-1α augmente et influence une hormone, la fameuse EPO. Cette hormone permet notamment de contrôler la production des globules rouges, les cellules du sang qui transportent l’oxygène.
Des découvertes essentielles pour combattre certaines maladies
On sait également, grâce à leurs recherches, que le gène von Hippel-Lindau (VHL) a un impact important dans toute cette régulation. Ainsi, ce gène est une piste importante face à certaines maladies qui impliquent la surproduction ou la sous-production de globules rouges. Par exemple, les patients souffrant d'insuffisance rénale chronique souffrent souvent d'anémie sévère due à une diminution de l'expression de l'EPO. L'EPO est produite par les cellules du rein et est essentielle pour contrôler la formation de globules rouges, comme expliqué ci-dessus. En outre, le mécanisme de régulation de l’oxygène a un rôle important dans le cancer. Dans le cas des tumeurs, par exemple, l'oxygène est régulé de sorte à remodeler le métabolisme et faciliter une prolifération des cellules cancéreuses.
Des laboratoires universitaires et des entreprises pharmaceutiques tentent donc de développer "des médicaments d'interférer à différents stades d'une pathologie", explique le jury du prix Nobel : soit en "activant", soit en "bloquant le mécanisme de captation de l'oxygène".