"La conformité du niveau d’exposition aux champs électromagnétiques a été constatée sur tous les sites". Après des années de polémique sur la prétendue dangerosité des compteurs Linky, l’Agence nationale des fréquences (ANFR) a tranché. Ces machines si controversées, qui servent à communiquer la consommation électrique d’un foyer en temps réel aux fournisseurs d’électricité, ne comportent pas de risques pour la santé, explique l’organisme chargé de la gestion des fréquences radio en France dans un rapport paru le 9 octobre.
Depuis la loi de 2015 relative à la transition énergétique, le compteur Linky doit équiper 35 millions de foyers d’ici à 2021. Or, depuis qu’Enedis, la société gestionnaire du réseau électrique français, a commencé à installer ce boîtier dans les logements à la place des compteurs traditionnels, de nombreuses personnes se plaignent de symptômes divers et variés tels que fatigue, urticaire ou état dépressif.
En mai 2018, 300 personnes ont notamment fait parler d’elles en formant une chaîne humaine dans le village d’Autrans en Isère pour protester contre cette machine. Depuis l’installation de cette dernière, vingt-deux tribunaux ont déjà été saisis d’actions conjointes en France. Mais la plupart des plaignants ont été déboutés. Dans la région Centre, sur 121 référés anti-Linky, cités dans trois jugements et déposés par des habitants opposés à la pause de ce compteur chez eux, 108 ont été rejetés tandis que seulement 13 ont été admis pour des raisons médicales.
Des ondes inférieures à celles d’un ordinateur ou d’une ampoule à basse consommation
Face à la polémique, l’ANFR, qui veille au respect des normes en vigueur en matière d’émission d’ondes, avait déjà publié un rapport sur les champs électromagnétiques en 2016. Sur les cinq compteurs testés, les valeurs relevées étaient 100 à 350 fois inférieures aux normes en vigueur. Cette fois-ci, l’agence a effectué des mesures dans 178 foyers répartis sur l’ensemble du territoire français pendant six mois. Elle a constaté des rayonnements électromagnétiques 25 à 37 fois inférieures au plafond légal. Si ces taux sont supérieurs aux précédentes mesures, ils restent dans la norme.
Par ailleurs, la communication entre les boîtiers Linky et les transformateurs de quartier a lieu sur le courant porteur en ligne, qui fait transiter des informations par le réseau électrique. "Puisqu’ils transmettent leurs informations par voie filaire, les compteurs Linky ne sont donc pas des émetteurs radioélectriques", note l’Agence. Comme tout appareil électrique, ils émettent bien des ondes mais elles sont inférieures à celles produites par un ordinateur, une ampoule à basse consommation ou un réfrigérateur, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
A l’heure actuelle, en tout, 22 procédures ont été intentées contre les compteurs Linky en France par 5 000 plaignants. Plusieurs d’entre elles ont été renvoyées sur le fond, allongeant ainsi la procédure.
La complexité du phénomène de « l’électro-sensibilité »
Les personnes qui se plaignent d’hypersensibilité électromagnétique, maladie non reconnue par l’OMS, rapportent par exemple une grande fatigue et difficulté à se concentrer, des maux de tête et des étourdissements, des nausées, des acouphènes, des troubles digestifs, des palpitations cardiaques, des picotements et des sensations de brûlure dans les oreilles ou encore un état anxieux ou dépressif.
D’après deux spécialistes des ondes récemment interrogés par Pourquoi Docteur quant au déploiement généralisé de la 5G en 2020, si cette souffrance est réelle, elle n’a aucun lien médical avec une exposition aux ondes.
"Ce sont vraiment des personnes malades, leurs symptômes sont réels, ce ne sont pas des fous. Maintenant est ce que les ondes sont vraiment la cause de leur mal-être, c’est une autre question. Dans les études faites en laboratoire, on a essayé d’exposer ces gens sans qu’ils le sachent pour voir s’ils déclenchaient leurs symptômes. En vain : on n’arrive pas à les exposer par surprise sans qu’ils soient au courant ou à créer leurs symptômes en laboratoire. Aussi, peut-être que les ondes sont en partie responsables de leur mal-être mais elles ne sont certainement pas les seules. On est dans une situation beaucoup plus complexe", expliquait notamment Yves Le Dréan, chercheur pour l’Inserm dans l’unité Irset (Institut de Recherche en Santé, Environnement et Travail) de l’Université de Rennes. Et d’ajouter : "A l’heure actuelle, on essaye de trouver des pistes de travail pour essayer de comprendre ce qu’ils ont et leur proposer des thérapies car pour l’instant ils sont dans une errance médicale, on ne sait pas l’origine de leur mal et c’est très hétérogène. Par ailleurs, ils ne se plaignent pas tous du même type d’ondes. C’est très compliqué".
"Un phénomène de trouble anxieux, de phobie"
"Je pense qu’on est dans un phénomène du trouble anxieux, de la phobie, qui fait que ces gens développent une aversion vis à vis des ondes et des comportements d’évitement qui leur font avoir des symptômes typiques des troubles panique ou anxieux : la fatigue, le stress… On voit que quoi qu’ils fassent, ils confirment leur croyance via par exemple l’achat d’objets anti-ondes et s’enfoncent dans une spirale", déclarait quant à lui Sébastien Point, physicien, président de la section rayonnements non ionisants de la société française de radioprotection et membre de l'Association française pour l'information scientifique, recommandant aux malades une "thérapie cognitivo-comportementale qui leur permettrait de dissocier leurs symptômes de l’exposition aux ondes".