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Gestation pour autrui

Le débat sur les mères porteuses agite l'Europe

Par Afsané Sabouhi

Un rapport d’experts juristes présenté hier aux parlementaires européens préconise une convention internationale pour garantir les droits des enfants nés d'une gestation pour autrui.

DE NUL/SIPA

Le recours aux mères porteuses par les couples hétérosexuels infertiles et les couples homosexuels fait débat bien au-delà des frontières de l’Hexagone. Considérant que la gestation pour autrui est une pratique « en plein essor » bien que très difficile à chiffrer, le Parlement européen se penche pour la première fois sur la question. Un collectif d’experts a dressé à la demande de la Commission des affaires juridiques un état des lieux des différents cadres juridiques en vigueur au sein de l’Union européenne et formulé des recommandations en vue d’une éventuelle harmonisation de la législation européenne.

Leur rapport, remis hier aux parlementaires, souligne la grande disparité des réponses légales d’un état-membre à l’autre. Sur les 27 membres de l’UE (la Croatie n’a pas été étudiée), seuls 3 pays autorisent et encadrent par la loi le recours à une mère porteuse : le Royaume-Uni, la Grèce et la Roumanie. En Belgique comme en Irlande, aux Pays-Bas, en Pologne et en Slovaquie, aucune disposition légale n’autorise explicitement la gestation pour autrui (GPA) mais sa pratique est tolérée, ce qui porte à 8 le nombre d’états-membres autorisant virtuellement le recours aux mères porteuses.

A l’opposé, certains pays de l’UE dont la France, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne interdisent la GPA. Le tribunal correctionnel de Saint-Brieuc a ainsi condamné la semaine dernière un couple et leur mère porteuse à 5000 euros d’amende chacun pour «insémination artificielle par sperme frais ou mélange de sperme provenant d’un don».
La France faisait même encore partie il y a peu des pays européens les plus strictes puisqu’elle ne reconnaissait pas non plus la filiation des enfants conçus à l’étranger par une mère porteuse.
Mais depuis le mois de janvier dernier, la ministre de la Justice, Christiane Taubira, a invité par circulaire les tribunaux à ne plus refuser de délivrer de certificats de nationalité française aux enfants dans cette situation. L’Espagne est également dans ce « bricolage juridique » puisqu’un texte autorise à retranscrire dans l’Etat civil ces filiations obtenues grâce à la gestation pour autrui, qui elle, est interdite. Les juristes notent donc que même dans les pays jusqu’ici très restrictifs et partisans de l’interdiction, l’heure est à la reconnaissance de la filiation.

L’intérêt supérieur de l’enfant, seul consensus envisageable     

Au vu de ce panorama si disparate, il est improbable voire impossible, selon les juristes consultés par le Parlement d’espérer parvenir à un consensus entre les 28 états membres sur l’autorisation ou l’interdiction de la gestation pour autrui. Mais « tous les pays s’accordent néanmoins sur le besoin pour l’enfant d’avoir des parents définis légalement et un état civil », notent ces experts dans leur rapport.
Un consensus a minima serait donc imaginable entre les partenaires européens sur la reconnaissance de ce type de filiation pour assurer la protection des enfants. Chaque état resterait par ailleurs libre de légiférer sur la pratique ou non de la GPA sur son territoire.


Mais selon ces juristes, si une régulation est indispensable, l’échelon européen n’est pas forcément le plus adéquat. Aujourd’hui, les couples candidats à la gestation pour autrui se déplacent généralement en dehors de l’Union Européenne pour trouver leur mère porteuse, aux Etats-Unis, en Russie ou en Ukraine par exemple. Et pour cause, les pays de l’UE qui autorisent la GPA ne l’ont ouverte qu’à leurs citoyens. C’est donc une réglementation internationale de la gestation pour autrui qu’il faudrait envisager pour encadrer l’état civil des enfants à naître mais aussi pour s’assurer par exemple que les mères porteuses soient défrayées et non rémunérées ou que leur assurance santé et leurs frais médicaux soient financés par les futurs parents.
Les juristes préconisent, dans leur rapport aux parlementaires européens, de s’inspirer de la Convention de La Haye du 29 mai 1993 qui régit la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale. Les opposants à la GPA citent eux aussi en exemple une convention internationale, celle d’Oviedo qui interdit depuis 1997 le clonage humain. Quelles que soient les références, tous ont donc bien conscience que le débat sur la gestation pour autrui a, de fait, une dimension internationale.