“Ce n'est pas la mort que je crains, c'est de mourir”, disait Montaigne. Plus de quatre siècles plus tard, une étude explique cette phrase à la portée universelle. D’après un papier à paraître le 15 novembre dans la revue scientifique Neurolmage, notre cerveau met en place des mécanismes de défense refusant le concept de notre propre mort, nous faisant croire que la grande faucheuse ne vient cueillir que les autres.
Les chercheurs de l’université Bar Ilan, en Israël, ont mis au point un test basé sur l’association d’images de personnes à des mots liés à la mort. Ils ont ainsi pu remarquer que quand les participants voyaient apparaître leur propre visage projeté sur un écran à côté de mots relatifs à la mort comme “enterrement” par exemple, leur cerveau n’avait aucune réaction.
Ainsi, le système de prédiction de leur cerveau se fermait dès que leur être était associé au concept de la mort. En revanche, dès qu’ils voyaient le visage d’un inconnu associé aux mêmes mots liés à la mort, les chercheurs ont détecté un signal de surprise. “Ensemble, ces résultats présentent, pour la première fois, un mécanisme neuronal plausible de déni de la mort”, notent donc les chercheurs.
Une société qui fuit la mort
“Le cerveau n’accepte pas que la mort soit liée à nous. Nous possédons ce mécanisme primitif selon lequel lorsque le cerveau reçoit une information qui lie le soi à la mort, cela nous parait douteux et nous ne devrions pas croire à cette éventualité”, explique Yair Dor-Ziderman à The Guardian. Ce mécanisme se développerait dès le plus jeune âge pour nous protéger des menaces existentielles qui pourraient avoir des conséquences très négatives sur notre mental.
Aujourd'hui, en Occident du moins, la société est plus hostile à la mort, les malades étant confinés dans les hôpitaux et les personnes âgées dans les maisons de soins. Aussi, il est possible que les gens en sachent beaucoup moins sur la fin de vie et la craignent encore davantage, explique-t-il.
Toutefois, nous n’avons aucun mal à accepter la mortalité des autres. “Nous ne pouvons pas rationnellement nier que nous allons mourir, mais nous percevons plutôt notre mortalité comme quelque chose qui arrive aux autres”, développe le chercheur.
Qu’est-ce que la thanatophobie ?
D’après le psychologue Arnaud Wisman, psychologue à l'université du Kent (Royaume-Uni), les gens ont aujourd’hui tendance à essayer d’oublier la mort en sur-consommant, en s’oubliant dans les écrans ou dans le travail à outrance. Il surnomme ce phénomène “le tapis roulant d’évasion”. “Cependant, ce n'est pas une solution au problème lui-même”, rappelle-t-il auprès du Guardian.
Quand une personne a la phobie de la mort, qu’il s’agisse de la sienne ou de celle des autres, on parle de thanatophobie. Celle-ci se manifeste par la présence d’une peur intense et durable ressentie lors de la confrontation à des objets ou situations liés à la mort. Comme toutes les phobies, celle-ci peut par exemple être déclenchée par un évènement traumatisant comme la vision d’un cadavre ou le décès d’un proche au cours de l’enfance. Cette peur panique peut se manifester dès l’âge de sept ou huit ans, à partir du moment où l’enfant est en âge d’avoir conscience de la mort et de comprendre ce qu’elle signifie.
Un individu souffrant de thanotophobie développera des stratégies d’évitement pour fuir la situation tant redoutée. La personne aura tendance à éviter tout ce qui pourrait la mettre en danger : elle ne fera pas de sport extrême, ne conduira pas et, dans les cas extrêmes, arrêtera même de sortir de chez elle. Les sujets phobiques de la mort se sentent également souvent incapables de se rendre dans un cimetière ou dans un hôpital, refusent de regarder des cadavres, même en photo ou sur un écran. Il leur arrive aussi de souffrir d’attaques de panique à l’évocation même de la mort et de développer des insomnies par peur de mourir dans leur sommeil. A terme, ces comportements aboutissent souvent à un repli total de la personne sur elle-même.