On ne parle plus que de ça au Portugal. Dans le sud du pays, un bébé est venu au monde début octobre "sans visage". Ou du moins sans nez, sans yeux et avec une partie de son crâne seulement. La grossesse de la mère avait pourtant été normalement surveillée. Sous la pression de l’opinion publique, l’obstétricien chargé du suivi a été suspendu par l’Ordre des médecins du Portugal pour six mois. Face aux indices de “négligence”, une enquête a été ouverte.
Au cours de sa grossesse, Marlène passe les trois échographies obligatoires dans une clinique privée dans la ville de Setubal, à une quarantaine de kilomètres au sud de Lisbonne, sans que son obstétricien, le docteur Artur Caravalho, ne décèle le moindre problème. Quand au sixième mois, son compagnon et elle décident de réaliser une échographie plus poussée, on les alerte au sujet d’une possible anomalie du fœtus mais le médecin les rassure.
“Il a expliqué que parfois certaines parties du visage ne sont pas visibles” lors des échographies “lorsque le bébé a le visage collé contre le ventre de la mère”, témoigne sa sœur, Joana Simao, à la chaîne de télévision TVI 24.
Le médecin était déjà visé par six autres plaintes
Pourtant, le 7 octobre, le petit Rodrigo nait à l'hôpital Sao Bernardo sans yeux, sans nez et avec une partie de son crâne seulement. Bien évidemment, les parents portent plainte contre leur obstétricien et la justice ouvre une enquête. Le drame fait la Une des journaux. Le conseil de discipline de l’Ordre des médecins lance alors à son tour une investigation et, face à la pression de l’opinion publique, décide à l’unanimité de suspendre pour six mois Artur Caravalho de ses fonctions.
Ce dernier était déjà visé par six autres plaintes, la plus ancienne remontant à 2013. Face aux conséquences de ce drame qui “a des répercussions sur la réputation des médecins” et “pour rassurer les femmes enceintes”, cette suspension était nécessaire pour examiner les plaintes dont certaines “sont longues car très complexes”, explique Alexandre Valentim Lourenço, président du conseil de l'Ordre des médecins pour la région Sud, à la télévision publique RTP. “Il y a de forts indices” de négligence de la part du docteur Artur Carvalho, qui “pourront conduire à une sanction disciplinaire”, poursuit-il.
L’enfant est quant à lui toujours hospitalisé à Setubal en soins intensifs dans le service de pédiatrie de l'établissement où il est né. Samedi 19 octobre, sa mère a partagé une photo du bébé caressant la main de son père sur Instagram. Sa survie semble toutefois très difficile.
De très rares cas de malformations du genre
“Il lui manque une partie du crâne, ce qui entraînera des troubles importants du cerveau. Dans ce type de cas, il y a souvent de gros problèmes de respiration et de déglutition”, explique Philippe Deruelle, secrétaire général du Collège national des gynécologues et obstétriciens français et praticien aux hôpitaux universitaires de Strasbourg, à L’Express. Mais la possibilité d’une chirurgie esthétique pour reconstruire son visage reste envisageable, nuance Michèle Scheffler, résidente de la Fédération nationale des collèges de gynécologie médicale, également interrogée par le journal.
Elle s’appuie notamment sur le cas de Yaha, un bébé marocain né sans yeux, sans nez et sans mâchoire supérieure, il y a quelques années. Grâce à un appel aux dons lancé sur Facebook, il avait été opéré à l’âge de quatre ans par un chirurgien australien qui lui avait posé, entre autres, une prothèse de nez et des prothèses oculaires. “Mais c'est la limite de la science actuelle, on ne sait pas greffer des yeux par exemple, il n'aura pas de vision, dans tous les cas”, explique la spécialiste.
Parmi les autres cas médiatisés d’enfants “sans visage”, il existe deux petites filles d’origine ukrainienne, adoptées par un couple d’Américains, qui souffrent du syndrome de Treacher-Collins. Cette maladie génétique provoque des malformations de la tête et du cou. Les enfants ont des yeux et un nez mais le visage s’affaisse en raison du manque de solidité des os.
Des complications aussi sévères du massif facial sont bien sûr extrêmement rares. “On ne connaît pas l'origine de ces malformations... parfois elles peuvent être dues à des médicaments que prend la mère de l'enfant, mais les médicaments qui posent des problèmes sont connus des médecins, il y a un suivi”, conclut Philippe Deruelle.