Les poils que nous arborons peuvent abriter les débuts du cancer. Selon une étude menée par Mayumi Ito Suzuki et une équipe des départements de dermatologie, de biologie cellulaire et de pathologie de la faculté de médecine de l'université de New York, certains des cancers de la peau les plus mortels trouveraient leur origine dans les follicules pileux, à commencer par les cellules souches qui donnent leur couleur à nos cheveux. Ces cellules pigmentaires subissent des changements qui finissent par provoquer le cancer des follicules pileux, des organes complexes situés dans les couches de la peau où les poils prennent naissances. Les résultats de l'étude, qui a été publiée le 4 novembre dans Nature Communications.
Contrairement aux modèles antérieurs, qui attribuent le cancer aux rayons ultraviolets du soleil, cette étude suggère que les déclencheurs du mélanome sont toujours présents dans les follicules pileux normaux.
Selon l'étude, qui a été menée sur des souris génétiquement modifiées, les cellules souches, après avoir subi des modifications causant le cancer, quittent les follicules pour causer des mélanomes à la surface de la peau et se propagent ensuite. Les résultats ont été confirmés dans des échantillons de tissus humains. Le mélanome est une forme de cancer de la peau qui se produit lorsque les mélanocytes ou les cellules qui produisent des pigments, mutent et deviennent cancéreuses. Le mélanome peut se développer n'importe où sur la peau.
L'étude a d'importantes répercussions sur la compréhension et le traitement du cancer. Selon l'autrice de l'étude, Mayumi Ito Suzuki, professeure agrégée au département de dermatologie de l’université de New York, “la confirmation que les cellules pigmentaires responsables des tumeurs des follicules pileux sont une source véritable de cancer nous permettra de mieux comprendre cette maladie et de trouver de nouveaux moyens pour y remédier.”
Le développement du mélanome
Les résultats de l'étude montrent chez le parcours d'un être humain d'une cellule souche unique à un fœtus composé de centaines de cellules. Au cours de ce processus, les cellules souches se divisent, se multiplient et se spécialisent jusqu'à assumer leur rôle final. Cependant, les choses se compliquent parce que les cellules souches peuvent jongler et déplacer les types de cellules. Bien qu'il s'agisse d'une caractéristique très utile lors du développement, elle devient dangereuse pour les adultes, chez qui, croit-on, les cellules cancéreuses prennent les caractéristiques des cellules embryonnaires précoces. Cela accrédite la théorie selon laquelle les cancers sont causés par plusieurs types de cellules souches, ce qui les rend difficiles à traiter, et leurs origines, difficiles à retracer.
La nouvelle étude tient compte des cellules souches qui se transforment en mélanocytes (les cellules responsables de la création de la mélanine), le pigment protéique qui protège la peau en absorbant les rayons ultraviolets du soleil qui peuvent endommager l'ADN. Les pigments “créent” la couleur des cheveux en absorbant quelques longueurs d'onde de lumière visible et en réfléchissant les autres.
L'équipe de recherche a mis au point un nouveau modèle de souris pour étudier le mélanome. Grâce à une modification réalisée sur les cellules souches folliculaires mélanocytaires, les chercheurs ont rendus ces gènes “brillants”, ce qui les rend facilement localisables. En suivant les cellules souches pour la première fois, ils ont découvert que les cellules mélanomateuses peuvent avoir leur origine dans des cellules souches de mélanocytes se déplaçant anormalement hors des follicules pileux pour pénétrer dans la couche la plus externe de la peau, l'épiderme. L'équipe a suivi les cellules à mesure qu'elles se multipliaient et s'enfonçaient plus profondément dans le derme.
Dans le derme, les cellules perdent leurs marqueurs et leur pigment et présentent des caractéristiques semblables à celles des cellules nerveuses (neurones) et des cellules cutanées comme celles observées dans les tissus du mélanome humain. Une fois l'origine du cancer connue, les chercheurs ont temporairement suspendu les signaux dans l'environnement folliculaire pour voir si le cancer se formait en leur absence.
Des essais à confirmer chez l'homme
Les chercheurs ont découvert que malgré des mutations cancérigènes, les cellules souches de mélanocytes folliculaires ne causaient pas de mélanomes s'ils n'étaient pas exposés aux protéines de signalisation de l'endothéline et du WNT, qui, dans des circonstances normales, allongent les cheveux et entraînent la multiplication des cellules pigmentaires des follicules.
Cette recherche est révolutionnaire parce qu'elle est la première à montrer que les cellules souches mélanocytaires oncogènes folliculaires peuvent causer le cancer, ce qui ouvrira la voie à de nouveaux diagnostics et traitements. Toutefois, ces résultats n'ont pas encore été confirmés par des essais chez l'humain.
D'ailleurs, les mutations génétiques qui causent le cancer dans certains tissus s'avèrent inoffensives dans d'autres, selon une étude de l’université de Yale. Selon ce rapport, la régénération des follicules pileux offre une protection contre quelques types de cancer de la peau malgré la présence de la mutation cancérigène HRAS, qui est liée à 30 % des cancers.