Depuis quelques années, l’immunothérapie à base de CAR-T cells a révolutionné le traitement clinique contre les formes sévères de cancer. Cette technique consiste à prélever des lymphocytes T dans le sang du patient et à les envoyer à un laboratoire. Par des technologies d’ingénierie cellulaire, les chercheurs modifient in vitro le matériel génétique des lymphocytes T afin de les doter d’un récepteur spécifique qui fait office de radar pour reconnaître et attaquer les cellules exprimant l’antigène cible. Le nombre de lymphocytes T ainsi "reprogrammés" est multiplié en laboratoire, puis les cellules modifiées sont réinjectées au patient.
Suivre les CAR-T cells grâce à un marqueur moléculaire
Mais jusqu’ici, les chercheurs se heurtaient à un obstacle : comment savoir où vont les CAR-T cells dans l’organisme une fois qu’elles ont été réinjectées au patient ? "Actuellement, la seule façon de savoir si une thérapie génique ou cellulaire est encore présente dans l'organisme est de biopsier régulièrement les tumeurs ou de prélever du sang, qui offrent des mesures très grossières de la thérapie", explique le Pr Mark Sellmyer, professeur adjoint en radiologie et chercheur à la Perelman School of Medicine de l'Université de Pennsylvanie.
Avec son équipe, ce dernier a trouvé comment suivre les lymphocyte T reprogrammés dans l’organisme : ils les ont génétiquement modifiés à l'aide de marqueurs moléculaires visibles à l’aide de la tomographie par émission de position (PET-scan). Les résultats de cette étude sont publiés dans la revue Molecular Therapy.
Pour leurs travaux, les chercheurs ont marqué génétiquement les CAR-T cells avec une protéine bactérienne eDHFR (appelée "gène rapporteur PET"), qui ont ensuite été injectées chez des souris. Celles-ci ont ensuite subi une injection de triméthoprime, une molécule antibiotique utilisée ici comme produit de contraste : les CAR-T cells se sont alors illuminés, ce qui aux chercheurs de les suivre en temps réel au moyen du PET-scan. Et parce que l’ADN des cellules a été génétiquement modifié, une fois que les car-T cells se sont multipliées, les nouvelles cellules ont pu elles aussi être suivies par les chercheurs.
Une nouvelle étape dans l’immunothérapie
Les images recueillies par les chercheurs ont montré qu’après sept jours, les lymphocytes T ont commencé à s’accumuler dans la rate des rongeurs et qu’après treize jours, elles avaient commencé à cibler les tumeurs antigéniques positives. Pour les auteurs de l’étude, cela suggère qu’il existe des « ports » d’ancrage précoces et tardifs des CAR-T cells dans l’organisme.
"Grâce à notre technologie, les cliniciens seraient en mesure de voir, quantitativement, le nombre et l'emplacement des CAR-T cells qui ont survécu dans le corps au fil du temps, ce qui est un indicateur de la durabilité et de l'efficacité potentielle du traitement", poursuit le Pr Sellmyer. "L'imagerie des CAR-T cells permettra également aux chercheurs de tester et de modifier plus facilement les thérapies pour différents types de maladies dans le cadre de la recherche."
Désormais, les chercheurs prévoient de tester cette technique lors d’un essai clinique mené sur des humains. "L'espoir pour l'avenir est que de nombreuses thérapies géniques ou cellulaires, comme CAR-T, soient étiquetées et suivies dans le corps", conclut l’auteur de l’étude.