Ils ne seront peut-être pas prescrits en tant que médicaments avant dix ans, mais les composés mis au point par les chercheurs de l'Université Martin Luther de Halle-Wittenberg semblent déjà être une réponse efficace dans la lutte contre les bactéries antibiorésistantes.
La particularité de des ingrédients actifs contre les bactéries résistantes est qu'ils ciblent une enzyme spéciale qui n'apparaît que chez les bactéries sous cette forme spécifique et qui n'était auparavant pas la cible d'autres antibiotiques. Une enzyme qui, en n'ayant jamais encore développé de résistance serait ainsi le talon d'Achille de ces bactéries.
"Pour pouvoir traiter les maladies infectieuses de manière fiable et à long terme, nous avons besoin de nouveaux principes actifs contre lesquels les bactéries n'ont pas encore développé de résistances", rappelle le professeur Andreas Hilgeroth de l'Institut de pharmacie de l'Université Martin Luther de Halle Wittenberg qui a travaillé avec d'autres équipes de chercheurs sur ces nouvelles substances actives, des travaux publiés dans la revue Antibiotics.
Une enzyme qui intervient dans le processus métabolique des bactéries
La cible de ces scientifiques : la pyruvate kinase, une enzyme qui joue un rôle important dans le processus métabolique des bactéries. Et si ce processus est perturbé, la bactérie devient inoffensive.
Lors des premières expériences menées sur des cellules, l'efficacité de ces nouvelles substances a été confirmée et les composés mis au point ont obtenu au moins les mêmes résultats que les antibiotiques conventionnels. "Ces premiers résultats nous donnent confiance sur le fait que nous sommes sur la bonne voie", a déclaré Andreas Hilgeroth.
25 000 décès par an
La lutte contre les bactéries résistantes est un enjeu pour les patients et les responsables de santé dans le monde entier. On estime qu'elle pourraient être à l'origine de plusieurs millions de morts d'ici à 2050. En Europe, le Centre européen de contrôle des maladies évalue à 25 000 le nombre de décès par an liés à la résistance aux antibiotiques. En France, en dépit d'un Plan national pour préserver l’efficacité des antibiotiques, la consommation d’antibiotiques reste anormalement élevée, ce qui augmente le risque de développement des bactéries résistantes à ces médicaments.
Les plus inquiétantes de ces bactéries multi-résistantes sont les entérobactéries comme Escherichia coli et Klebsiella pneumoniae, bactéries du tube digestif responsables d'un très grand nombre d'infections, ou encore les staphylocoques dorés résistants à la méthicilline, les bacilles tuberculeux multirésistants, ainsi que le bacille pyocyanique et les Acinetobacter baumanii qui sont, des bactéries infectant les poumons de personnes atteintes de mucoviscidose et qui sont responsables d'infections nosocomiales (acquises en milieu de soin de santé, en particulier les hôpitaux et les cliniques).