En France, ce sont entre 8 et 11 millions de Français qui sont aujourd’hui aidants d’un de leur proche. Parmi eux, une majorité de conjointes et conjoints qui dispensent à domicile les soins à leur compagne ou compagnon souffrant d’une invalidité ou d’une maladie chronique nécessitant une attention constante.
Une nouvelle étude menée par l’université du Michigan et de l'université Daegu en Corée du Sud, publiée dans le Journal of Social Personal Relationships, s’est intéressée à ces couples où la relation équitable entre conjoints a laissé place, avec la survenue de la maladie, à une mutation des rôles et des responsabilités.
Si l’on en croit les résultats de l’étude, cette modification de la dynamique au sein du couple est mal perçue, à la fois par le/la malade et par son/sa conjoint aidant. Toutefois, le bilan semble plus lourd pour les maris qui reçoivent des soins, comparativement aux épouses : ils seraient, d’après les chercheurs, plus vulnérables aux échanges négatifs, comme la critique ou la déception, et ressentiraient aussi davantage de culpabilité à l’idée d’être un “poids” pour leur compagne.
Le sentiment d’être un fardeau
Pour parvenir à cette conclusion, les chercheurs ont utilisé des données comparant trois groupes : d’abord un groupe de couples ne fournissant pas ou ne recevant pas de soins ; un groupe de couples dans lesquels les maris recevaient des soins de leur femme ; et enfin un groupe de couples dans lesquels les femmes recevaient des soins de leur mari. Au total, 3 500 couples ont été recrutés, dont au moins un des conjoints était âgé de plus de 51 ans.
En analysant les données recueillies, les chercheurs ont constaté que, comparativement aux maris qui n'ont reçu aucun soin ou à ceux qui ont prodigué des soins à leur femme, les maris qui recevaient des soins à domicile présentaient davantage de symptômes dépressifs. Selon eux, cela peut s'expliquer par le fait que les réactions négatives des conjoints font en sorte que les maris ont l'impression qu'ils sont un fardeau.
La perception du rôle de soignant reflète les inégalités au sein du couple
Les maris aidants en revanche, ne ressentent pas de symptôme dépressif. Et pour cause. “Parce que la prestation de soins par le conjoint n'est pas un rôle traditionnel pour les maris, les maris soignants reçoivent souvent de l'affirmation” ainsi que des éloges des autres, explique Minyoung Kwak, autrice principale des travaux.
Chez les conjointes soignantes, les résultats montrent qu’il n’y a pas d’incidence notable des soins qu’elles prodiguent à leur mari sur un éventuel état dépressif. “En raison des habitudes de longue date des épouses à s’occuper de la famille pendant toute la durée des mariages, il se peut que les soins qu’elles prodiguent n'entraînent pas de différences importantes dans l'exacerbation des relations inéquitables entre les épouses”, poursuit le Pr Kwak.
En d'autres termes : les épouses soignantes sont moins susceptibles de subir les effets négatifs de cette relation inéquitable avec leur mari parce qu'elles ont déjà vécu et exercé des fonctions de soignantes dans leur mariage, avant même de devoir s’occuper à plein temps de leur conjoint malade.