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Climat et santé mentale

Dépression : une hausse des températures serait négative pour le moral

Par Raphaëlle de Tappie

Les hausses de températures auraient des conséquences négatives sur la santé mentale des individus, pouvant même conduire à une augmentation des suicides. 

Kaipong/iStock

“Dépression saisonnière”. L’expression est connue de tous, laissant entendre que le climat peut avoir une lourde incidence sur le mal-être psychique d’un individu. Et si d’instinct on aurait tendance à s’imaginer que c’est le froid qui fait sombrer, il semblerait au contraire que la hausse des températures s’accompagne d’une augmentation des taux de suicides, si l’on en croit une étude à paraître en décembre dans le Journal of Health Economics.

Aux Etats-Unis, des scientifiques de l’université Ahmerst du Massachusetts et de la California Polytechnic State University ont collecté des données des départements des urgences de Californie sur les visites relatives aux diagnostic de troubles mentaux de 2005 à 2016. Ils ont ensuite rassemblé des renseignements sur les suicides aux États-Unis de 1960 à 2016 et les données d’une enquête nationale sur les troubles mentaux portant sur plus de 4 millions de personnes entre 1993 et 2012.

Qui plus est, les chercheurs ont également recueilli des informations sur des facteurs pouvant influencer le lien entre température et santé mentale comme l’accès à la climatisation, la disponibilité des services de santé mentale, la couverture d’assurance, l’accessibilité au traitement de la toxicomanie et les niveaux de revenu.

Les individus s’adaptent lentement aux changements de température

Ils ont ainsi observé que la hausse des températures pouvait avoir un effet néfaste sur la santé mentale. “Nos estimations principales impliquent que l'augmentation de la température mensuelle moyenne de 1°F entraîne une augmentation de 0,48% des visites en santé mentale et une augmentation de 0,35% des suicides”, notent-ils ainsi.

Par ailleurs, leurs estimations restent stables sur la durée : les gens ne semblent pas s’adapter très rapidement aux changements de température. Les chercheurs expliquent d’ailleurs n’avoir trouvé “aucune preuve d'adaptation efficace aux effets identifiés nulle part - ou parmi aucun groupe - aux États-Unis”. Leurs estimations restent également les mêmes après avoir tenu compte des travaux d’adoption de la climatisation et du statut socio-économique des personnes étudiées. 

Enfin, ce lien entre hausse des températures et dépression a été observé aussi bien dans les régions froides que les régions plus tempérées. Ainsi, une hausse de la température aurait un effet néfaste sur la santé mentale, même chez les individus habitués à la chaleur.

Mauvais sommeil, baisse de moral

D’après les chercheurs, le lien entre augmentation des températures et problèmes de santé mentale pourrait être expliqué par des troubles du sommeil, car la chaleur empêche souvent de dormir, ce qui peut avoir de lourdes conséquences sur le moral.   

“Bien qu'il soit possible que la température affecte indépendamment le sommeil et la santé mentale d'une manière similaire, nous soutenons que ce n'est probablement pas le cas puisque d'autres recherches documentent un lien étroit entre le mauvais sommeil et des mesures de la santé mentale qui ne sont pas liées à la température”, notent donc les chercheurs.

Ces derniers souhaiteraient donc que les autorités sanitaires prennent désormais en compte les résultats de leurs travaux pour établir des recommandations en termes de santé mentale. Il faudrait “que les prestataires de soins de santé mentale veillent à ce que les patients dorment suffisamment pendant les périodes où le sommeil est susceptible d'être perturbé (comme un épisode de chaleur).” Leurs travaux ne portant que sur la température, les scientifiques espèrent que des études futures permettront de mettre en lumière d’autres facteurs environnementaux qui pourraient influer sur la santé mentale, afin de trouver plus de façons de combattre les troubles psychiques et les suicides qu’ils peuvent entraîner.

Le réchauffement climatique fragilise psychologiquement

L’influence de la météo sur la santé mentale est souvent étudiée. Si ici, il est montré que la hausse des températures entraînerait des problèmes psychiques, il est également prouvé que le manque de luminosité a des conséquences négatives pour notre organisme. En effet, en hiver, le manque de lumière bouleverse notre horloge biologique (ensemble de zones cérébrales impliquées dans diverses fonctions physiologiques), ce qui affecte notre corps tout entier, nos hormones et donc bien sûr, notre moral.  

Le réchauffement climatique altère par ailleurs lourdement l’équilibre psychologique des individus, notamment en raison de l’augmentation des catastrophes naturelles qu’il entraîne. En effet, incendies, tempêtes, ouragans et inondations peuvent engendrer de graves traumatismes.

Aux Etats-Unis, l’exposition à l’ouragan Katrina a été associée à une augmentation de 4% des problèmes de santé mentale tandis qu’au Royaume-Uni, une étude récente sur les inondations a montré que les personnes dont les habitations avaient été endommagées par les intempéries étaient 50% plus susceptibles de souffrir de problèmes mentaux dans les mois qui suivaient.