Les injections de corticoïdes pour traiter l'arthrose doivent-elles être remises en question ? Une étude menée par des scientifiques américains pointe leur caractère nocif pour certains patients et le risque de complications mal connues. Mais le rhumatologue Francis Berenbaum, attaché aux hôpitaux de Paris, affirme, lui, que ces traitements locaux présentent aussi des avantages en permettant, notamment, d'éviter le recours à des médicaments anti-douleur tels que les opioïdes ou le tramadol.
Des potentielles complications
Dans leur étude publiée dans la revue « Radiology », les chercheurs américains ont examiné 459 patients qui avaient reçu une à trois injections de corticostéroïdes dans un genou ou une hanche. Parmi ces patients, 36 d'entre eux, soit 8 %, ont eu des complications liées à ces infiltrations, comme le montrent les tests d'imagerie médicale. Les chercheurs ont noté une accélération de la progression de leur arthrose, ainsi que d'autres effets négatifs comprenant une fracture par insuffisance sous-chondrale, c’est-à-dire du tissu osseux lisse des articulations, et de l’ostéonécrose (mort de cellules osseuses) ou encore une destruction rapide des articulations avec perte osseuse.
Ali Guermazi, professeur de radiologie à l'Université de Boston et co-auteur de l'étude, a déclaré à CNN que ces conclusions s'appuyaient sur une autre étude de 2019 qui a montré des résultats similaires. "Les preuves s'accumulent, et les effets négatifs risqueraient de s’étendre davantage", affirme-t-il en estimant que "le chiffre de 8% de patients présentant des complications observées dans l'étude pourrait encore progresser".
Des résultats à mettre en perspective
L'arthrose se produit lorsque le cartilage qui amortit le frottements des os dans les articulations s'use au fil du temps. Les médecins prescrivent souvent les injections de stéroïdes pour aider à soulager la douleur à court terme, en particulier pour les patients "les plus sévères, les plus douloureux, les plus limités et donc à plus haut risque d’avoir une mauvaise évolution naturelle de leur arthrose", précise le professeur Francis Berenbaum. Il peut également s’agir de patients qui ne peuvent pas tolérer l'acétaminophène ou les médicaments anti-inflammatoires non stéroïdiens.
Et il explique que les infiltrations ne doivent pas être écartées à priori : "Le risque est qu'au lieu de traiter localement, on revienne sur des traitements par voie générale bien plus dangereux (opioïdes, tramadaol, etc.)", assure-t-il.
Les conclusions de cette étude sont donc, selon lui, à suivre avec parcimonie. En effet, « les patients infiltrés sont souvent des cas plus graves que les patients non infiltrés et les observations de cette étude pourraient n’avoir aucun rapport avec les infiltrations par elles-mêmes précise Francis Berenbaum qui met donc en garde les patients qui ont peut-être entendu parler de cette étude remettant en question les infiltrations :"Celle-ci ne permet absolument pas de conclure à cela!".
Le co-auteur de l’étude, Ali Guermazi, reconnait que ses travaux ne sont qu'une étude observationnelle et qu'il est nécessaire de poursuivre les recherches pour appuyer ses résultats et mieux comprendre les potentielles risques à prendre en compte avant de procéder à des infiltrations dans le genou ou la hanche.