La cardiomyopathie du péripartum (CMP-PP) est une forme rare et potentiellement mortelle d’insuffisance cardiaque survenant chez la femme enceinte. Le muscle cardiaque s’affaiblit, souvent pendant le dernier mois de la grossesse ou dans les premiers suivant l’accouchement. Bien que la majorité des patientes (60 à 70%) retrouvent ensuite une fonction cardiaque normale, environ 13% d’entre elles continuent à souffrir de dysfonctionnement cardiaque grave pendant longtemps et peuvent nécessiter une transplantation cardiaque ou un dispositif d’assistance ventriculaire gauche. Il s’agit d’une pompe mécanique aidant le ventricule gauche à évacuer le sang dans le reste du corps. Comment se fait-il que certaines femmes récupèrent bien et d’autres non ?
Selon une nouvelle étude américaine, les femmes diagnostiquées en fin de grossesse ou dans le mois qui suit l’accouchement ont plus de chances de retrouver leur fonction cardiaque rapidement que celles qui sont diagnostiquées plus tard. Aussi, les chercheurs, qui ont présenté les résultats de leurs recherches à l’occasion des sessions scientifiques 2019 de l’American Heart Association samedi 16 novembre à Philadelphie (Etats-Unis), insistent sur la nécessité de surveiller les symptômes d’insuffisance cardiaque chez les futures mamans, surtout chez les femmes noires. Car ces dernières seraient en moyenne diagnostiquées bien plus tard que les blanches, ont-ils également découvert.
Les troubles tels que l'hypertension gestationnelle (hypertension artérielle observée à la fin de la grossesse) et la prééclampsie (complication dangereuse caractérisée par une hypertension artérielle), sont les facteurs de risque les plus importants de CMP-PP. D’après quelques études précédentes, ces troubles contribuent au développement de la CMP-PP. Aussi, la fin de l'hypertension post-partum et le rétablissement de la formation normale des vaisseaux sanguins pourraient accélérer le rétablissement d'une fonction cardiaque normale. Afin d’examiner plus en profondeur les conséquences de ces troubles sur la maladie et le moment du diagnostic sur les résultats des patients, des chercheurs de l’université Penn Medicine ont mené une étude rétrospective auprès de 220 femmes ayant été atteintes de CMP-PP.
Les patientes noires parfois diagnostiquées entre un à cinq mois après l’accouchement
Ils ont ainsi pu observer que les patientes souffrant d’hypertension gestationnelle ou de pré-éclampsie diagnostiquées avec un CMP-PP plus d’un mois après l’accouchement mettaient plus de temps à récupérer leurs fonctions cardiaques que les autres (54 % contre 70 %).
Par ailleurs, la majorité des patientes blanches malades ont été diagnostiquées pendant la semaine précédant l’accouchement tandis que les patientes noires étaient plus susceptibles d’être diagnostiquées entre un et cinq mois après avoir donné naissance à leur enfant. Quelques unes d’entres elles ont même été diagnostiquées cinq mois plus tard.
Ces résultats pourraient donc expliquer ce que cette même équipe de chercheurs avait découvert dans une étude précédente : les patientes noires malades sont deux fois moins susceptibles de retrouver une fonction cardiaque normale et mettent deux fois plus de temps à le faire.
“Nos résultats démontrent qu'il existe d'importantes disparités raciales non seulement dans les résultats des patients atteints de CMP-PP, mais aussi dans le moment du diagnostic et le niveau de référence de la fonction cardiaque, explique Jennifer Lewey qui a mené l’étude. La cardiomyopathie est la principale cause de mortalité maternelle pendant la période postnatale et, bien que nous recommandions une surveillance accrue de la cardiomyopathie péripartum chez tous les patientes, elle est particulièrement importante chez les femmes noires. Des diagnostics plus précoces de CMP-PP peuvent aider à prévenir les mauvais résultats et à accélérer leur rétablissement à une fonction cardiaque normale.”
La nécessité d’une surveillance proactive
“Alors que nous étudions toujours les facteurs - comme la génétique et le statut socioéconomique - qui mènent à un diagnostic ultérieur dans cette population, nous espérons que nos résultats aideront à sensibiliser davantage les gens à la nécessité d'une surveillance proactive”, conclut Zoltan Arany, auteur principal de cette étude.
Outre l’hypertension gestationnelle, la préeclampsie et le fait d’être d’origine africaine, les facteurs de risque pour développer une CMP-PP sont les grossesses multiples, la grossesse de jumeaux, les antécédents de troubles cardiaques, une consommation excessive d’alcool, le diabète, le tabagisme ou encore l’obésité.
Parmi les symptômes de la maladie on retrouve l’essoufflement, même en position couchée, l’épuisement, la toux, l’enflure des jambes, des chevilles ou des mains, la prise de poids. La femme enceinte pourra également souffrir de palpitations cardiaques, de douleurs à l’estomac, perdre connaissance, tousser du sang ou encore avoir fréquemment envie d’uriner pendant la nuit.