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Tribune

Violences conjugales : ces médecins qui veulent devenir une “personne ressource” pour les victimes

Par Raphaëlle de Tappie

Dans une tribune parue dans L'Obs lundi 18 novembre, des médecins appellent leurs confrères à “jouer un rôle majeur dans la détection et la prévention des violences” faites aux femmes au sein de leur couple. 

:dragana991/iStock

En France, une femme sur dix a déjà été victime de violence conjugale. En France, une femme est violée toutes les sept minutes. En France, une femme une femme décède sous les coups de son partenaire ou ex partenaire tous les trois jours. “Pour repérer et prévenir les violences conjugales et sexuelles” bien trop présentes dans le pays, 65 médecins ont signé une tribune parue lundi 18 novembre sur le site internet de L’Obs. “Nous appelons nos consœurs et confrères à jouer un rôle majeur dans la détection et la prévention des violences”, écrivent-ils.

“Dans une récente enquête du Centre Hubertine Auclert auprès de professionnels de santé de 11 Centres médico-psychologiques, ces derniers déclarent ne “jamais” ou “rarement” recevoir des femmes victimes de violences. Pourtant, le docteur Marie Le Bars établit dans sa thèse qu’un médecin généraliste reçoit en consultation, sur une moyenne de 25 patients par jour, entre 2 et 3 femmes victimes de violences conjugales. Le professeur Gilles Lazimi affirme qu’une patiente sur 4 consultant a été victime de violences au cours de la vie”, rappellent tout d’abord les signataires de cette tribune.

Pour repérer les femmes victimes de violence conjugale, il existe pourtant un test de dépistage de violences conjugales validé en langue française et utilisable en médecine de premier recours, rappellent-ils. “Les femmes victimes de violences veulent qu’on leur pose la question”, assure Marie Le Bars. 

Faire du médecin la personne ressource

“Les recherches montrent que ce type de questionnaire favorise et libère la parole. Il multiplie même par quatre le nombre de détections ! Le dépistage systématique est le seul moyen de détecter les situations violentes, passées sous silence. Si besoin, le médecin pourra alors prodiguer des soins adaptés et polyvalents tels que l’accès à l’information sur la prise en charge nationale des violences conjugales, l’inclusion dans un réseau adapté et l’organisation d’un suivi rapproché”, continuent les médecins. 

Et ces derniers de lancer un appel pour reconnaître “le médecin comme personne ressource, premier recours de la femme victime” et que celui-ci se saisisse “systématiquement de ces outils de dépistage” auxquels il serait formé. Enfin, il faudrait “que soient financés par les ministères concernés (santé, universités, droits des femmes), des dispositifs de réseaux de prise en charge coordonnée associant professionnels et associations, pour notamment assurer ces formations.”

“En dépistant ces violences, nous médecins contribuerons à mieux accompagner les femmes victimes et mieux prévenir les violences ; en étant ainsi pleinement acteurs de soin et de prévention, nous serons plus à même d’accompagner, orienter et aider ces femmes victimes et par conséquent contribuerons à leur protection ainsi qu’à celle de leurs enfants !”, conclut la tribune.

Il ne s’agit pas de lever le secret médical

Toutefois, il ne s’agit en aucun cas de lever le secret médical. “Le médecin doit accompagner la femme en respectant son choix, c'est elle qui doit porter plainte. Lever le secret médical serait rompre le lien de confiance”, explique ainsi le docteur Gilles Lazimi, médecin généraliste, professeur associé en médecine générale à Sorbonne-Université et militant associatif membre de SOS Femmes 93 et du Collectif féministe contre le viol à l’AFP.

Ces déclarations interviennent alors même que la ministre de la Justice vient d’annoncer être pour sa part favorable à la levée du secret médical, “notamment pour résoudre les situations dans lesquelles la victime ne peut pas saisir la justice, et si c'est une possibilité offerte au médecin”.  “Il est nécessaire de dépasser le secret médical. Ça fait appel à l'éthique du médecin : s'il voit qu'une femme se fait massacrer, ça me choquerait qu'il ne le dise pas”, a-t-elle ainsi déclaré au JDD dimanche 17 novembre.

En 2018, 121 femmes sont mortes de violences conjugales en France, selon les derniers chiffres de la Délégation aux victimes des directions générales de la police et de la gendarmerie. Pour l'année 2019, au 18 novembre, 131 femmes ont trouvé la mort sous les coups de leur conjoint.