“Je suis venu pour vous remercier, car c’est grâce à vous que je suis ici ce soir, que je suis en vie. Vous êtes tous mon donneur anonyme, celui là même qui m’a permis de vivre. Merci à vous tous d’être ici”. Devant un parterre de 400 personnes réunies lundi 25 novembre au New Morning (Paris 10e) à un concert organisé contre la leucémie, Ian, 31 ans, raconte son combat contre la maladie d’une voix tremblante. “J’avais 24 ans quand ça m’est tombé dessus, j’étais étudiant en cinquième année de médecine et j’ai immédiatement compris que je risquais de ne pas m’en sortir”. Et pourtant… le jeune homme a survécu et mène aujourd’hui une vie heureuse et épanouie, marié à sa “copine de l’époque”. Toutefois, rien n’aurait été possible sans le don de moelle osseuse d’un Allemand anonyme.
“On a besoin des jeunes ! Par rapport à l’Allemagne qui a un fichier très important, on se rend compte qu’en France les gens sont très frileux pour s’inscrire et il est évident que de chercher à l’étranger coûte très cher. Il faudrait que les jeunes d’ici s’engagent plus pour garder le fichier de donneurs à jour car à partir de la soixantaine on ne peut plus donner”, alerte Pascale de la Baume, fondatrice de l’antenne parisienne de la Fondation Capucine.
Fondée en 1996 à Dunkerque à partir d’un élan de solidarité autour d’une petite fille atteinte de la leucémie, Capucine, qui “aurait eu 28 ans aujourd’hui si elle avait survécu”, la Fondation est à l’origine du concert de “40 ans années de variétés française et anglaises” organisé au New Morning avec Bertrand de Sailly, chanteur amateur, et l’orchestre du Splendid.
“Ne pas avoir peur” de donner
“Un donneur ça coute très cher. Il faut qu’il soit logé, nourri, médicalisé avec les soignants autour de lui pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines ou un mois”, renchérit Jean-Christophe, qui a donné sa moelle osseuse à son frère malade, et, comme Ian, témoigne sur scène avant que la musique ne commence. “Moi je n’ai pas coûté très cher à l’Institut Paoli-Calmettes (Marseille) car c’est ma belle-sœur qui m’a logé. Mais cette année là, il y avait des Australiens par exemple”, se rappelle-t-il, poussant les spectateurs à être “généreux avec la Fondation Capucine” qui dispose également d’une ligne d’écoute téléphonique pour soutenir les malades et leurs proches.
Mais Capucine donne également des informations précieuses aux donneurs. “Pour pour pouvoir faire un don, il vous suffit d’appeler un Etablissement du sang Français et de demander un rendez-vous pour vous inscrire sur un fichier de moelle osseuse. Quelques conditions sont toutefois nécessaires pour être éligible : il ne faut pas se droguer, ne pas avoir de piercing ou de maladie cardiovasculaire…”, explique à Pourquoi Docteur Pascale de la Baume. Vous devrez donc d’abord répondre aux questions des médecins avant de faire une prise de sang où on déterminera votre typage HLA. Ce dernier est utilisé pour savoir quel donneur correspond à quel malade. Il s’agit d’avoir le même, ou du moins un nombre acceptable, de similitude des gènes et antigènes HLA.
Une fois dans les fichiers, s’il s’avère que vous êtes compatible avec un malade, vous pourrez être appelé à tout moment pour un prélèvement. Dans le meilleur des cas, l’opération se fera par aphérèse. “Le donneur reçoit au préalable pendant quelques jours, par injection sous-cutanée, un médicament. Celui-ci est identique à ce qui est fabriqué naturellement par le corps pour réguler le taux de cellules de la moelle osseuse. Il stimule leur production et les fait passer des os vers le sang où elles seront récupérées. Un à deux prélèvements (d’une durée de 4 h environ) sont nécessaires. Le prélèvement par aphérèse permet de recueillir les cellules souches hématopoïétiques en grande quantité”, explique le site du Don de moelle osseuse. “Il ne faut pas avoir peur : tout ce qu’on vous prélève se refait très rapidement”, assure Pascale de la Baume.
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Quand la solidarité se met en œuvre
Pour sensibiliser au don de moelle osseuse au maximum, la Fondation Capucine organise de nombreux évènements un peu partout en France. “Nous disposons de six antennes constituées chacune de cinq à huit bénévoles et on organise un peu partout des chorales de musique sacrée, des braderies de vêtements, des tournois de golf, de bridge. L’année dernière, des jeunes ont couru un marathon pour nous. Toute occasion est bonne pour créer un événement, explique Pascale de la Baume qui se félicite de la force du réseau autour de la Fondation. On est peu par antenne mais dès que j’ai besoin d’aide pour un mailing ou autre, je fais appel à mes amis et j’en ai toujours qui viennent m’aider.”
Un bouche à oreille qui a d’ailleurs permis l’organisation du concert au New Morning puisque Bertrand de Sailly, le chanteur, est un “ami d’ami” qui a accepté de se produire bénévolement pour aider la Fondation. A plus de 400 places vendues à 30€ pour l’événement, Capucine a bien réussi son coup. “C’était hyper plein, ce qui m’ennuyait c’est d’avoir des gens debout. On a quand même un gros fichier, on a de la chance d’avoir pas mal de relations. Pour ce concert, on avait dit aux gens d’amener leurs amis et c’est comme ça qu’on y arrive”, s’enthousiasme Pascale de la Baume.
Grâce à la popularité de ces évènements, Capucine arrive donc à récolter des sommes conséquentes, car outre la sensibilisation au don, son objectif est bien sûr de financer la recherche médicale. En six ans, 609 000 € ont été reversé pour 32 projets. Dans le détail, Capucine travaille en partenariat avec la Société francophone de greffe de moelle et de thérapie cellulaire (SFGM-TC), la Société française de lutte contre les cancers et leucémies de l’enfant et de l’adolescent (SFCE) et la Fondation pour la recherche médicale (FRM). Ces trois organismes de recherche lancent des appels à projets. Les dossiers déposés sont soumis pour expertise et sélection à leurs conseils scientifiques respectifs. La Fondation Capucine choisit ensuite parmi les projets retenus ceux qu’elle souhaite financer.
Pas d’argent, pas de recherche
Fondation, Capucine ne l’est que depuis mai. “Maintenant qu’on a le statut de Fondation on va essayer de récupérer des legs. Avant, en temps qu’association, on ne pouvait pas recevoir d’héritage”, explique Pascale de la Baume.
Car comme toujours, l’argent est le nerf de la guerre. “Ce que nous faisons, ça ne peut être possible que si on a de l’argent. Mon laboratoire aurait cessé toute activité au cours des trente dernières années si je n’avais pas eu de l’argent venant des Fondations comme la Ligue contre le cancer ou l’Arc. Vous allez me dire que c’est le gouvernement, la santé publique qui devrait payer, c’est vrai, mais sans la participation de généreux donateurs, la recherche s’arrête demain. C’est très triste quand on voit les vies que ça peut sauver”, lance le Professeur Perbal aux nombreux amis de Capucine qui lui font face. Puis, sous une salve d’applaudissements, le scientifique s’écarte pour faire place à la musique. Mes emmerdes d’Aznavour ouvre le bal.