C’est une innovation qui préfigure très certainement l’une des grandes évolutions de la prise en charge médicale de demain. Des patients insuffisants cardiaques à leur domicile, dont plusieurs paramètres biologiques peuvent être suivis à distance, quotidiennement, par leur médecin. C’est le CHU de Nancy qui se lance dans cette transformation de la prise en charge de cette maladie.
Une pathologie qui ne cesse de progresser notamment à cause du vieillissement de la population, mais qui touche d’ores et déjà 500 000 personnes en France, 6 millions en Europe. Deux professeurs de Thérapeutique du Centre d’investigation clinique plurithématique Pierre Drouin de l’Inserm, CHU et Université de Lorraine mettent au point un boitier révolutionnaire. Ce dispositif de télésurveillance devrait permettre de réduire le nombre de décès et de réhospitalisation de ces malades en mesurant, au domicile du patient, différents paramètres biologiques au quotidien.
Des malades à haut risque mal suivis
Actuellement, les patients insuffisants cardiaques ont un mauvais pronostic d’autant plus lorsqu’ils ont déjà subi une première hospitalisation à cause d’une aggravation de leur maladie. 20% d’entre eux seront hospitalisés à nouveau au bout de 30 jours, et davantage encore dans les mois qui suivent. Pire encore, plus d’un tiers de ces malades décèdent dans l’année qui suit cette première hospitalisation.
Ecoutez le Pr Patrick Rossignol, néphrologue et co-inventeur du boitier avec le Pr Zannad : « On a les médicaments qu’il faut pour ces traiter ces patients. Pourtant actuellement, après une 1ère hospitalisation, plus du tiers des patients seront morts à un an. »
Le problème, c’est que le suivi de ces patients est difficile en raison de la complexité des traitements et du manque de médecins. Pourtant, pour que l’état de ces malades se stabilise, les recommandations internationales sont claires. Il faut optimiser et ajuster régulièrement leurs traitements médicamenteux, comme c’est par exemple le cas chez les diabétiques sous insuline.
Un boitier innovant et facile d’utilisation
Installé au domicile du patient, ce boitier sera capable, à partir d’une simple goutte de sang, de mesurer plusieurs paramètres à la fois cardiaques et rénaux. Non seulement le malade obtiendra immédiatement des informations sur son état de santé sur une tablette interactive, mais ce dispositif transmettra ensuite les données à un centre de télésurveillance.
Si nécessaire, ce centre les fera suivre au médecin traitant du malade. Si l’état du patient le nécessite, le médecin pourra immédiatement ajuster par exemple ses doses de médicaments. D’après les concepteurs, ce boitier présentera une interface très facile d’utilisation pour le patient, y compris par les personnes âgées. La tablette interactive affichera une diagnostic immédiat, ainsi que des messages clairs sur la conduite à tenir, en fonction leur état de santé.
Ecoutez le Pr Patrick Rossignol : « Les messages seront simples. En vert, un message rassurant qui dit que tout va bien, jusqu’au message rouge qui invite à prendre contact immédiatement avec son médecin. A terme, on pourrait même envisager une forme d’autonomie encadrée, comme chez les diabétiques sous insuline. »
Une étude clinique prévue dès 2014
Les premiers prototypes sont attendus pour la fin 2013 et une première étude de validation clinique sera réalisé en vue de l’obtention d’un marquage CE. Une autre étude devrait suivre en 2014 sur plusieurs centaines de patients en France ou à l’étranger, afin d’évaluer la prévention des réadmissions à l’hôpital dans les 2/3 mois suivant la 1ère hospitalisation.
Le projet a déjà obtenu notamment un financement de 1,9 millions d’euros apportés par la Région Lorraine et le FEDER. Une région qui prend particulièrement soin de ces insuffisants cardiaques. Rappelons que le réseau de soin lorrain ICALOR qui prend en charge les insuffisants cardiaques, a déjà permis de réaliser d’importants progrès et de limiter les hospitalisations dans cette population, avec qui plus est un bénéfice médico-économique significatif. Mais pour les créateurs de ce boitier de télésurveillance, on peut encore faire mieux.
Ecoutez le Pr Patrick Rossignol : « Depuis que le réseau ICALOR a été mis en place il y a 40% d’hospitalisation en moins. Avec le boitier, l’enjeu c’est d’avoir un suivi quotidien des patients, si on obtient encore une réduction de morbi-mortalité entre 20 et 30%, ça serait déjà très bien. Peut être que ce sera encore plus spectaculaire. »